Enigme du couple: Reconnaître l'homme maudit - "La belle et la bête"

Femme sculpture bête dans nuit

 

ÉLÉMENTS D’ANALYSE DE "LA BELLE ET LA BÊTE" (d’après le conte de Mme de Villeneuve)

 

La "Belle et la Bête" illustre remarquablement la rencontre avec l’autre, l’altérité, la différence, ainsi que la rédemption mutuelle du couple, après une longue maturation de l’un et de l’autre. La Belle et la Bête ont des problèmes similaires qu’ils doivent conscientiser et assumer avant de pouvoir s’unir. C’est pourquoi ils ont besoin l’un de l’autre.

La version de Mme de Villeneuve, publiée en 1740, est la plus complète, la plus passionnante et la plus riche, car elle raconte l’enfance de la Bête avec discernement et justesse. Elle élabore une origine psychologiquement cohérente de la malédiction de la Bête. 

Enfance de la Bête

Un petit prince vit seul avec sa mère qui est reine. La royaume étant attaqué, la reine part à la guerre. Elle endosse le rôle du roi et s’absente durant 15 ans. Elle prend goût à la guerre, jusqu’à poursuivre sans fin le roi voisin qui l’a engagée.

Pendant ce temps, elle confie son fils à une fée, soit-disant bonne et dévouée, qui se charge de son éducation. Au début tout se passe bien et le prince la considère comme une seconde mère.

Un jour, alors que le prince est adolescent, cette fée vieille et laide qui n’a la faculté de devenir belle qu’un jour par an, part en voyage et jette son dévolu sur un roi qu’elle veut épouser. Mais celui-ci la rejette.  

À son retour, son comportement vis-à-vis du prince change radicalement. Frustrée, dépitée, ses phantasmes incestueux s’éveillent et elle devient inquiétante et menaçante pour le jeune homme. Elle veut l’épouser.

Désemparé, celui-ci ne sait que répondre à de telles avances. Alors la fée l’emmène voir sa mère sur le champ de bataille pour l’informer de sa décision. À leur arrivée, il ne reste qu’une ultime bataille à mener et le prince remporte la victoire et sauve la vie de sa mère.

Puis la fée annonce à la reine sa décision d’épouser son fils. Interloquée, la reine répond avec agressivité: "Songez-vous, Madame, au bizarre assortiment que vous me proposez?"

Cette réaction rend la fée folle de rage. Pour se venger, elle métamorphose le prince en une bête monstrueuse. C’est ainsi que la malédiction se réalise. 

La Bête est confinée dans un château où il devra attendre qu’une femme vienne à lui librement et l’aime tel qu’il est, c’est-à-dire "bête", sans avoir le droit de lui montrer sa vraie nature et son esprit. 

Suite à la métamorphose du prince, apparaît une bonne fée, qui atténue la malédiction. Elle ne peut pas s’opposer directement à la mauvaise fée, mais elle transforme tous les habitants du château en statues. Ce qui montre l’état de "mort" psychique du prince. Puis elle fait du domaine un monde merveilleux et enchanteur, où règnent la beauté et l’harmonie, comme si elle préparait le terrain pour la rencontre amoureuse.

Le prince est donc refoulé dans l’inconscient et ne peut plus vivre au grand jour. 

Cette métamorphose en un animal monstrueux est liée au complexe-mère du prince. On pourrait supposer que, pour échapper à la fée, sa mauvaise mère, et à la relation incestueuse, le prince préfère régresser et devenir animal.

 

Lion au bord rivière

La malédiction

Pourquoi le prince est-il devenue une bête?  En raison de la malédiction qui détermine son destin.

"Malédiction" vient de "mal", "mauvais" et "diction" - à l’opposé de la "bénédiction". C’est une parole par laquelle on souhaite à quelqu’un du mal. C’est souvent à la suite d’une parole malencontreuse ou maladroite que survient une malédiction.

Psychologiquement, c’est une "projection" négative, un regard négatif sur l’autre. 

Ce mode de fonctionnement est commun à tous les êtres humains. Nous projetons tous sur les autres nos propres pensées, sentiments, sensations… Et ces "projectiles" que nous leur lançons - souvent inconsciemment - nous reviennent toujours comme des boomerangs. Car les autres se défendent en projetant à leur tour. C’est ainsi que sont attisés et perpétrés les conflits humains. 

D’ailleurs, nous sommes collectivement frappés de malédiction, dans la mesure où nous portons tous une malédiction originelle à notre naissance. C’est ce que prétendent de nombreux mythes de création. Par exemple, dans la Genèse, tout homme est marqué par le "péché originel" d’Adam et Eve.

Sur le plan psychologique, la malédiction est une névrose, un conflit intérieur, un complexe refoulé qui n’a pas atteint la conscience, une pulsion qui nous entraîne dans un sens unique et menace notre équilibre. Elle survient quand nous allons trop loin dans ce sens. Alors, le sens opposé se manifeste et nous harcèle d’une manière ou d’une autre.

La malédiction peut aussi provenir des parents, de leurs conflits et leurs névroses qu’ils n’ont pas résolus et nous ont transmis.

Lorsque nous sommes en proie à une malédiction, rencontrer l’autre peut être une issue salutaire. Réaliser une "union des contraires" résout le conflit. Mais cette union ne peut être réalisée que lorsqu’il y a différenciation - et non fusion. Alors, l’union suscite l’unité intérieure, la libération et le "salut" - dans la mesure où l'on ne peut "sauver" que ce que l’on a conscientisé et humanisé. 

La Belle et la Bête doivent chacune faire ce chemin de l’inconscience vers la conscience, de la fusion à la différenciation, pour réaliser l’union finale. Pour rencontrer l’autre dans son altérité, il faut s’extraire de la fusion, se différencier. Ce n’est qu’à cette condition que l’on peut faire l’expérience de l’amour complet - à l'opposé de l’amour complémentaire où deux "moitiés" se contentent de se compléter. 

Dans ce conte, la Belle et la Bête sont destinées à créer un couple complet. 

La famille de la Belle

Un marchand vivait dans une ville florissante, avec ses 6 fils et 6 filles. Ses affaires allaient très bien. Malheureusement, un jour, survint un terrible coup du sort: la demeure familiale fut dévastée par un feu et tous les vaisseaux du marchand périrent. Il ne lui resta qu’une maison de campagne, où il alla s’installer avec les siens. Ses filles en furent désespérées et ne cessaient de se plaindre de leur infortune. Elles devaient à présent travailler durement, si bien qu’elles devinrent de plus en plus amères. 

À l’exception de la plus jeune qui garda joie et sérénité au milieu de ce revers de fortune. Bien qu’elle fît tout pour faire plaisir à ses sœurs, elle ne réussit qu’à s’en faire détester, car ces dernières ne pouvaient comprendre pourquoi elle demeurait si heureuse. Les visiteurs et les voisins la trouvaient hors du commun et la baptisèrent "Belle", ce qui accrut encore la jalousie de ses sœurs. 

 

Princesse à la natte-Peinture

Le problème de la Belle

La Belle n’a pas de mère: il lui manque la dimension féminine-maternelle. 

La Belle est la cadette et la préférée du père. Les "trois filles" sont courantes dans les contes, voire les textes littéraires - "Le Roi Lear" de Shakespeare, "Les trois sœurs" de Tchékhov.... Les 3 filles évoquent aussi les triades de fées tissant les destinées, ainsi que les 3 âges de la vie.

En tant que préférée du père, la cadette a une relation plus proche avec le père que les aînées. C’est sur elle que le père projette son féminin, d’autant plus qu’il n’a pas d’épouse. Elle joue donc le rôle de la "petite épouse" dévouée de son père. 

Dans cette situation, elle réveille l’ombre, sous la forme des sœurs jalouses, qui développent à son égard des sentiments négatifs - la jalousie, l’envie, le ressentiment…  

Des filles comme la Belle ont un complexe-père à la fois positif et négatif. La Belle a une attitude unilatérale vis-à-vis de son père et de la vie en général. Elle est trop vertueuse, trop innocente, trop naïve, trop fidèle, et vit dans un monde idéal.

Cette relation paternelle l’empêche de créer un lien avec un autre homme. Elle a peur des hommes, de leur animalité, leur érotisme, leur virilité. Sa fonction "éros" n’est pas éveillée, ce qui la protège de la peur de l’inceste par le refoulement de ses désirs et son aspect "petite fille". Il s’agit d’un mécanisme de défense naturel et normal chez les filles qui sont très attachées à leur père.

Si elles intègrent leur masculin de manière positive, par exemple en développant des intérêts artistiques, intellectuels ou spirituels, elles peuvent se libérer de leur attachement au père "idéal". Mais dans le cas contraire, elles restent des "filles à papa" célibataires ou épousent un homme-père.

Cependant, il leur est possible de se détacher de leur père en vivant une vraie relation avec un homme, en intégrant et humanisant l'aspect animal de l’homme grâce à l’amour. 

C’est la destinée de la Belle.

Le voyage du père de Belle

Deux ans après, un espoir se profila à l’horizon: le père apprit qu’un de ses vaisseaux venait d’arriver à bon port. Il décida aussitôt de partir à sa recherche. Ses filles lui demandèrent de leur rapporter mille présents. La Belle, qui n’avait ni ambition ni coquetterie, n’exigea rien. Le marchand comprenait la nature de sa fille cadette, mais il insista. "Puisque vous insistez mon père, fit la Belle, rapportez-moi une rose. J’aime passionnément cette fleur et il n’y en a pas ici." 

Le lendemain, le marchand partit. Hélas, il fut bien déçu, car ses associés s’étaient déjà emparés de ses biens. Il fut donc contraint de rentrer. Or, on était en hiver, et il dut traverser une sombre forêt, épuisé et quasi mort de faim. 

Tâtonnant et tentant de retrouver son chemin, il aperçut un château voilé de brume où, étrangement, il faisait printemps. Il y avait des orangers en fleurs et de nombreux autres arbres fruitiers et d’espèces de fleurs, des statues placées un peu partout, ayant une apparence tout humaine. Le domaine était plongé dans un silence total et semblait inhabité. 

 

Château dans jardin

Dîner au château de la Bête

Comme il était à bout de forces, il y entra. Il traversa plusieurs pièces fort bien meublées jusqu’à ce qu’il arrivât dans un salon où brûlait un grand feu et une table était dressée. Il dîna sans que personne ne vînt le déranger. Puis il s’assoupit. À son réveil, la table était à nouveau dressée. Puis, il retourna sur ses pas et visita toutes les pièces du château, songeant déjà à y installer sa famille, et pensant à la joie de ses filles de vivre dans un lieu qui recelait tant de richesses. Il alla à l’écurie et, passant au milieu de rosiers fleuris qui exhalaient un parfum exquis, il se rappela le souhait de la Belle. Aussi, en cueillit-il une. 

 

Rose géante au coucher du soleil

 

Le père de la Belle arrive au château de la Bête, totalement ruiné. Il est perdu et désespéré.

Sur le plan psychologique, il y a un détail intéressant à relever. Le père doit être ruiné, dépossédé de sa toute-puissance, de son pouvoir paternel-patriarcal, pour que sa fille ait une possibilité de se libérer de lui.

Au château de la Bête, il découvre une profusion de richesses et croit naïvement avoir retrouvé ce qu’il a perdu. 

En quittant le château, il se souvient de sa promesse à la Belle. Voyant des roses dans le jardin, il en cueille une. 

La rose est la fleur de l’amour et symbolise l’effet positif de l’amour sur une personne névrosée. Dans sa symbolique, manger des roses entraîne la guérison des maux et troubles psychiques.

La rose - Apparition de la Bête

Aussitôt, un bruit terrible le fit sursauter et se retourner vivement. Une bête énorme et monstrueuse se tenait face à lui. 

 

Lion-Ooudry Lion Spider

 

"Qui t’a permis de cueillir une de mes roses? lui demanda-t-elle avec fureur. Je t’ai reçu avec hospitalité, et voici que tu prends ce que j’aime le plus au monde. - Ah Monseigneur, répondit le vieil homme épouvanté par cette apparition, ayez pitié de moi! Je ne pensais pas qu’une si petite chose pût vous offenser! Silence! vitupéra la bête. Je ne suis pas "Monseigneur", je suis "la Bête", aussi appelle-moi ainsi. Tu mérites la mort!"

Terrifié par cette sentence cruelle, le marchand lui conta ses malheurs et lui expliqua qu’il avait cueilli cette rose pour sa fille Belle. Il demanda à la Bête mille fois pardon pour sa sottise involontaire. 

La Bête réfléchit et lui dit: "Je veux bien te pardonner, à condition qu’une de tes filles accepte de mourir à ta place. Je veux qu’elle vienne de son plein gré et qu’elle sache ce qui l’attend ici. Ne lui mens pas sur mon apparence. À présent, va et vois si l’une d’entre elles est assez courageuse et t’aime assez pour te sauver la vie. Et si aucune de tes filles ne consent à venir à ta place, promets de revenir seul." 

Nécessité du sacrifice

En cueillant une rose pour sa fille, le père réveille la Bête. Et cette Bête représente aussi "la bête" en lui.

La Belle, dans son innocence, n’a pas été consciente de mettre son père en danger de mort en lui demandant une rose - en éveillant l’éros en lui. 

Son père ne peut lui offrir une rose sans réveiller la fureur de la Bête, de même qu’il est incapable de maîtriser la "bête" en lui.

C’est donc à ce moment précis qu’apparaît la Bête. Elle menace le père de mort, sauf si l’une de ses filles consent librement à se sacrifier et à venir au château pour y mourir.

L’amour ne peut naître qu’en toute liberté...

Ainsi, le père doit sacrifier une de ses filles. 

Psychologiquement, il s’agit d’un sacrifice fondamental. C’est le sacrifice d’une identification exclusive au rôle de père (ou de mère, de fille ou de fils). 

Sans ce sacrifice de l’identité paternelle ou maternelle, aucune évolution n’est possible pour les enfants. Ils répéteront les mêmes schémas, ne feront jamais une authentique expérience de la rencontre avec l’autre ni n’accompliront leur destinée personnelle. 

Ainsi que questionne justement Jung: "Si vous vivez la vie d’un modèle, d’un autre, qui vivra votre vie?"

De nombreux hommes et femmes restent "pères" et "mères" toute leur vie, pour préserver leur pouvoir et leurs prérogatives sur leurs enfants, les empêchant ainsi de grandir et de se détacher d’eux. 

Pourtant, ce sacrifice est nécessaire pour que les générations et les sociétés évoluent et se transforment.

Décision de la Belle

Le marchand ne put qu’accepter cette cruelle alternative. La Bête lui dit qu’il trouvera dans ses écuries un cheval qui l’emportera chez lui très rapidement et le ramènera. Il pouvait également emporter la rose cueillie pour la Belle. Le marchand se retrouva chez lui en un clin d’œil. Tout le monde lui manifesta une grande joie, mais à sa triste mine, l’allégresse générale se transforma en inquiétude. Il se tourna vers la Belle et lui donna la rose fatale. "Prends cette rose, Belle, elle me coûte bien cher." Il raconta aux siens ce qui lui était arrivé. Les sœurs de Belle ne purent s’empêcher d’exprimer leur colère vis-à-vis de leur sotte cadette qui était cause de cette infortune. 

"Je suis responsable de tout ceci, fit la Belle, aussi est-il juste que ce soit moi qui expie et qui aille chez la Bête." Elle était si résolue que son père et ses frères en furent chagrinés, mais ses sœurs, jalouses, rétorquèrent que leur père leur préférait Belle, ce qui fit taire le pauvre homme. Le jour venu, la Belle enfourcha le cheval et, suivie de son père, partit. 

 

Femme en robe bleue à cheval blanc

 

Lorsqu’ils arrivèrent au château de la Bête, ils furent stupéfaits par l’atmosphère extraordinaire qui y régnait: des lueurs de toutes couleurs les éclairaient, les statues portaient des flambeaux et des lampions recouvraient la façade, formant des chiffres couronnés entrelacés des initiales de la Belle. La Belle se dit qu’il fallût que la Bête fût bien impatiente de la dévorer pour accompagner son arrivée de telles réjouissances! 

Mais leur plaisir dura peu, car la Bête fit bientôt son apparition. En la voyant, la terreur envahit la Belle. Mais se reprenant aussitôt, elle salua la Bête avec respect, ce qui plut au monstre. "Venez-vous ici de votre plein gré? lui demanda la Bête, et consentez-vous à laisser repartir votre père?" La Belle répondit qu’elle était prête à se séparer de son père et à mettre sa vie à la disposition de la Bête. 

Puis la Bête fit preuve de générosité et proposa au marchand d’emporter tout ce qui pourrait faire plaisir à ses enfants: joyaux et pierres précieuses, parures, pièces d’or...  

De retour chez lui, le père raconte à ses enfants sa funeste mésaventure. Les sœurs expriment leur ressentiment et leur jalousie. Et la Belle décide de se rendre au château de la Bête pour sauver la vie de son père. 

C’est alors que débute le chemin de la Belle.

Il se passe quelque chose dans sa vie qui va l’arracher à son enfance, à son amour pour son père et à ses sœurs jalouses. 

Mais à ce stade, elle veut encore sauver son père. Il n’est pas question d’amour pour un autre homme. 

C’est un état par lequel passent de nombreuses filles: le désir de sauver leur père (voire leur compagnon). Car elles croient l’aimer mieux que quiconque, surtout quand il n’y a pas de mère, ou une mère absente et non-aimante. 

Accompagnée de son père dans cette version, la  Belle se rend au château de la Bête. 

Le château est un lieu où vivent les princes et les princesses endormis et entravés dans leur vie. Ils attendent d’être réveillés par celle ou celui qui viendra les libérer. C’est à la fois une protection et un enfermement. Il représente ici le désir d’aimer et celui d’être aimé. 

La Belle est accueillie par des flambeaux, des lampions, des illuminations. Cela signifie que le sentiment est éveillé. 

Lorsque la Belle voit la Bête, malgré sa terreur, elle fait preuve de respect et de courage, ce qui plaît à la Bête. 

L'étrange vie de la Belle au château de la Bête

Malgré la peine que lui causa le départ de son père, à peine eut-il disparu qu’elle sombra dans un profond sommeil et fit un rêve merveilleux: elle déplorait son triste sort au bord d’une rivière, lorsqu’un magnifique jeune homme survint et la consola: "Ne crois pas être si malheureuse que tu l’imagines. Tu recevras ici la récompense que l’on t’a refusée partout ailleurs. Démêle les apparences qui me dissimulent à tes yeux. Je t’aime tendrement. Toi seule peux faire mon bonheur en faisant le tien. Suis seulement les mouvements de la reconnaissance, ne crois point tes yeux et tire-moi de l’affreuse peine que j’endure." 

 

Femme qui rêve

 

Puis, elle crut être dans un cabinet avec une dame majestueuse qui lui dit: "Ne regrette point ce que tu viens de quitter. Une destinée illustre t’attend, mais garde-toi, si tu veux qu’elle se réalise, de te laisser tromper par les apparences."

 

Femme patricienne-Leonardo

 

Lorsque la Belle se retrouve seule, elle sombre dans un profond sommeil et fait son premier rêve.

Elle rêve d’un magnifique jeune homme qui la console en lui disant qu’elle sera récompensée à condition de pouvoir démêler les apparences de la réalité. Il lui déclare aussi son amour pour elle.

Puis elle rêve d’une dame majestueuse qui lui annonce qu’une illustre destinée l’attend et lui conseille également de ne pas se laisser tromper par les apparences. 

À son réveil, une toilette l’attendait et elle eut du plaisir à se vêtir. Elle dîna seule dans le salon puis revint dans sa chambre où elle songea longuement au jeune homme de ses rêves. Elle soupçonnait que la Bête le tenait peut-être prisonnier. Puis elle se reprocha d’accorder tant d’importance à ces illusions et chercha à s’occuper. 

Elle visita les nombreuses pièces du château, toutes décorées avec magnificence. Alors qu’elle traversait un immense cabinet de glaces, elle aperçut soudain, accroché au mur à un clou d’or, un bracelet avec le portrait du jeune homme dont elle avait rêvé. Elle le passa avec joie à son bras. Puis, dans la pièce suivante, elle vit le portrait du jeune homme qui semblait la contempler avec tant d’attention qu’elle en rougit. Enfin, elle découvrit une bibliothèque emplie de livres, ce qui la combla, car elle n’avait plus eu l’occasion de lire depuis que son père avait dû vendre ses livres. 

 

Prince-Côme Medicis

Au crépuscule, les appartements furent éclairés par des bougies délicatement parfumées. Comme elle s’apprêtait à dîner, la Bête parut. La Belle craignit qu’il ne vînt pour la dévorer, mais ses frayeurs se dissipèrent aussitôt. La Bête n’avait rien de furieux et lui dit simplement: "Bonsoir, la Belle". Elle l’interrogea sur la manière dont elle s’était occupée puis elle lui demanda soudain si elle voulait l’épouser. La Belle ne put s’empêcher de pousser un cri: "Ah, ciel ! Je suis perdue!" La Bête lui répondit qu’elle n’était pas perdue, mais qu’elle devait simplement donner une réponse. Ce qu’elle fit. "Eh bien, puisque vous ne voulez pas m’épouser, je m’en vais: bonsoir, la Belle." 

Malgré son émotion, la Belle dormit bien et revit le merveilleux jeune homme dans ses rêves, qui lui parla très tendrement. Il lui sembla même qu’il lui présentait une couronne. Le lendemain, elle visita les jardins dont la beauté et le mystère l’émurent: elle y reconnut les lieux dont elle avait rêvé. 

 

Paon colonne dans paysage bleu

La Belle se résolut à interroger la Bête pour savoir si elle dissimulait quelqu’un dans son domaine. Elle découvrit aussi une volière avec des oiseaux rares et des salles emplies d’animaux les plus divers qui se mirent à caqueter, à voltiger, à lui faire des révérences en lui déclamant des vers, à former des haies d’honneur sur son passage. C’est au milieu de cet étonnant cortège qu’elle alla dîner, se laissant divertir par les oiseaux qui sifflaient comme des instruments et les singes qui la servirent à table. 

Plusieurs journées passèrent ainsi dans la plus charmante des fantaisies. Chaque soir, la Bête passait un moment avec elle, lui posant toujours la même question, à laquelle elle donnait la même réponse. 

 

Belle et Bête-lion

Les nuits, dans son sommeil, elle retrouvait le bel inconnu auquel elle s’attachait de plus en plus. Elle lui fit même part de la proposition de la Bête qui l’alarmait, mais il lui répondit: "Aime qui t’aime, ne te laisse point prendre aux apparences et délivre-moi." Cette réponse plongea la Belle dans le plus grand des troubles et elle rêva alors de la Bête qu’elle vit sur un trône rutilant de pierreries, l’invitant à s’installer à ses côtés, puis c’était le jeune homme qui prenait sa place, et ainsi à tour de rôle durant toute la nuit.

Un jour, la Belle eut la vision d’une fête foraine, car dans ce château, tout se manifestait en pensée avec une grande profusion et elle pouvait contempler dans les miroirs tout ce qui se passait dans le monde. 

 

Quatre femmes féeriques

La vie rêvée de la Belle

La Belle entame une vie solitaire et irréelle dans le château enchanté de la Bête.

Chaque soir, la Bête apparaît et lui demande si elle veut l’épouser, question à laquelle elle répond toujours par la négative. 

Et chaque soir, elle retrouve dans ses rêves le prince charmant qui la réconforte et l’assure de son amour. Elle découvre également le portrait du jeune homme, et le voit sur un tableau, ce qui est un progrès. 

Une nuit, dans un rêve, elle parle au jeune homme de la proposition de mariage de la Bête et celui-ci lui répond: "Aime qui t’aime, ne te laisse point prendre aux apparences et délivre-moi." Ces paroles troublent la Belle qui rêve alors de la Bête assise sur un trône somptueux. Puis c’est le jeune homme qui prend sa place.

Elle fait ce même rêve chaque soir.

La Belle est reliée à son inconscient grâce à ses rêves: ceux-ci ont une fonction importante dans son acceptation progressive de la Bête.

Elle jouit aussi de distractions enchanteresses.

Elle vit le premier stade de l’amour: l’amour irréel, esthétique, idéalisé, merveilleux, où l’on rêve de l’autre tel qu’on aimerait qu’il soit et non tel qu’il est. Le jeune homme de ses rêves est le "prince charmant" et représente l’état amoureux avec ses aspects enchanteurs. Et la Belle ne voit la réalité qu’à travers des miroirs.

Le miroir donne de la réalité une image inversée, de même que la réalité est inversée dans le conte. Dans ses rêves, la Belle voit la Bête telle qu’elle est "vraiment", c’est-à-dire un prince. Et elle prend son apparence de bête pour la réalité. 

Tout au long du conte, on trouve cette dialectique entre la réalité et les apparences, l’être et le paraître, les illusions et la vérité, dans un jeu de miroirs où la Belle doit apprendre à distinguer le vrai du faux, ses rêves de la réalité.

Elle voit d’abord l’aspect primaire et animal de la Bête. Cela est difficile pour une fille attachée à son père qui ne connaît rien des hommes. Mais en compensation, ses rêves lui montrent le vrai visage de la Bête sous la forme d’un prince charmant.

Psychologiquement, cela correspond au travail de l’analyse: la Belle doit accorder de l’intérêt à ses rêves et comprendre les messages qu’ils lui adressent.

La femme qui apparaît dans ses rêves est pour elle une figure maternelle positive.

À ce stade, la Belle n’est pas encore prête à l’amour véritable, qui suppose une totale acceptation de l’autre.

Nostalgie du passé

Malgré les mille plaisirs d’une telle vie, on se lasse de tout, et la Belle se posait de nombreuses et insolubles questions. Elle demanda à la Bête s’ils étaient bien seuls au château, et cette dernière l’en assura. La Belle en ressentit de la mélancolie et du désespoir, se disant que tout ce qu’elle vivait était illusoire. 

De tristes idées emplirent également ses rêves dont elle fit part au jeune homme qui menaça de tuer la Bête. La Belle s’écria alors: "Arrête, barbare, n’offense pas mon bienfaiteur, ou donne-moi la mort! – Ne m’aimez-vous donc plus puisque vous prenez le parti de ce monstre qui s’oppose à mon bonheur?" lui demanda-t-il. En même temps, elle crut voir la dame majestueuse qu’elle avait déjà rencontrée dans ses rêves et qui lui dit: "Courage, sois généreuse, tu prends le véritable chemin du bonheur."

Un jour, le désir de revoir son père fut si fort qu’elle supplia la Bête de lui accorder cet immense privilège. Le monstre s’écria : "Quoi, vous voulez abandonner une malheureuse bête? Ce n’est pas par tendresse pour votre père mais par répulsion pour moi, n’est-ce pas? – Non, la Bête, répondit la Belle, mais j’aimerais tant revoir ma famille. Permettez-moi de m’absenter durant deux mois et je vous promets de revenir passer le reste de ma vie auprès de vous." 

Soupirant de douleur, couchée à ses pieds, la Bête finit par articuler: "Je ne puis rien vous refuser, même s’il m’en coûtera peut-être la vie. Emportez tout ce que vous voudrez pour les vôtres. Et tenez votre promesse: revenez dans deux mois. La veille de votre retour, prenez congé de votre famille et quand vous serez dans votre lit, tournez votre bague sur elle-même en disant fermement "je veux retourner en mon palais revoir ma Bête". Adieu!"

La nuit, la Belle annonça son départ au bel inconnu à qui elle proposa de l’accompagner. Mais il lui répondit que cela n’était pas possible, sauf si elle était résolue à ne jamais revenir. "Vous n’y songez pas, rétorqua la Belle, la Bête m’a dit qu’elle mourrait si je manquais à ma parole! Sachez que je donnerais ma vie pour conserver la sienne!" Alors, il lui demanda ce qu’elle ferait si le monstre tentait de le tuer. "Je vous aime, répondit la Belle, mais ma tendresse ne saurait affaiblir ma reconnaissance pour la Bête. Placée devant ce choix, je me donnerais simplement la mort." 

 

Couple princier sur escalier

Désir de la Belle de retourner dans sa famille

Malgré ses aspects enchanteurs, cette vie irréelle finit par lasser la Belle. Désillusionnée, elle devient mélancolique.

Alors qu’elle parle de ses sombres humeurs au prince de ses rêves, il menace de tuer la Bête.

C’est alors que la Belle défend la Bête pour la première fois. C’est le premier pas vers la Bête, au-delà des illusions et des apparences. Le prince charmant lui-même ne peut toucher à la Bête, car la Belle préférerait mourir.

À ce moment, la Belle éprouve soudain le désir de revoir son père et sa famille et elle supplie la Bête de lui permettre de retourner chez elle, ce que la Bête accepte. Elle lui remet une bague qui lui permet de se déplacer. 

La bague ou l’anneau est un symbole d’union, de fidélité, d’attachement. Elle a aussi des pouvoirs magiques et ésotériques et représente la totalité, comme tout ce qui est rond. Voler une bague consiste à ouvrir une porte, entrer dans un château, dans le paradis. La bague est ici un moyen de reconnaissance, un élément de puissance. Elle est reliée au temps et au cosmos, car elle permet de se déplacer dans l’espace.

Elle préfigure l’anneau nuptial et le mariage.

Quant au prince de ses rêves, il précise à la Belle qu’il ne peut l’accompagner. Il lui demande ce qu’elle ferait si la Bête tentait de le tuer, lui. Et elle répond qu’elle se donnerait la mort.

En réalité, la Belle est prisonnière de ses sentiments ambigus et ambivalents. Elle est incertaine de son amour et incapable de choisir entre le prince de ses rêves et la Bête, entre le rêve et la réalité.

Alors elle régresse et retourne auprès de son père. 

En retournant en arrière, elle fuit le problème du choix, le dilemme et l’ambiguïté de ses sentiments. Elle choisit le passé et la sécurité.

Cette régression survient au moment précis où la Belle commence à s’attacher à la Bête.

Cela arrive souvent lorsque l’on doit faire un pas en avant, et que l’on n’y arrive pas. Alors on retourne en arrière pour se sécuriser et se confronter aux causes de notre blocage. C’est comme si l’on reculait pour mieux sauter.

À son réveil, la Belle était dans la maison de son père. Après la joie des retrouvailles, son père qui lui apprit que, grâce à la générosité de la Bête, sa fortune avait été rétablie. La Belle lui conta sa vie, lui disant qu’elle retournerait chez la Bête dans deux mois, pour toujours. Elle lui parla aussi du jeune inconnu de ses songes qui lui conseillait de ne point se fier aux apparences. Son père lui répondit que la Bête l’aimait et qu’elle devait la remercier de ses bienfaits. La Belle en convint, mais la perspective d’épouser un tel monstre lui paraissait d’autant plus pénible qu’elle aimait le jeune homme de ses rêves. Père et fille se quittèrent ce soir-là sans être en accord. 

La fortune du marchand encore accrue par les richesses apportées par la Belle, il retourna vivre en ville avec ses enfants. La Belle y fut remarquée et courtisée par les prétendants de ses sœurs, et la jalousie ravagea de nouveau la maisonnée. Le délai des deux mois était déjà dépassé, et bien qu’elle ne se sentît pas heureuse au milieu des siens, la Belle avait pourtant de la peine à s’en détacher. 

 

Femmes en promenade sous arbres

De retour chez son père, la Belle parle à celui-ci de sa relation avec la Bête.

Son père lui conseille d’épouser la Bête - grâce à laquelle il est redevenu riche - mais la Belle est encore réticente à l’idée d’épouser un monstre.

Alors, elle mène une vie mondaine, courtisée par les prétendants de ses sœurs, ce qui réveille leur jalousie. Bien qu’elle ne se sente pas heureuse, elle s’attarde et laisse passer le délai accordé par la Bête. 

Il y a un aspect intéressant et original dans cette version: le père milite en faveur d’une union avec la bête.

Cela est un progrès, car le père est prêt à laisser partir sa fille. Mais, comme il s’est enrichi grâce à la Bête, cela peut justifier sa complaisance. 

Dans les autres versions, ce sont les sœurs qui retiennent la Belle: elles figurent son aspect obscur qui ne veut pas retourner auprès de la bête et s’engager avec elle.

Prise de conscience de la Belle

Le beau jeune homme ne venait plus lui parler dans ses songes et elle était en proie aux sentiments les plus contradictoires. Il fallut un rêve pour la déterminer: une nuit, elle se vit chez la Bête dans son jardin, au pied d’une tour envahie de broussailles qui dissimulaient l’ouverture d’une caverne, et elle en entendit sortir des gémissements effroyables: elle se précipita pour secourir la Bête qui lui fit mille reproches. Puis la dame de ses rêves vint à son tour lui dire qu’elle devait tenir sa promesse. 

 

Belle et Bête

 

Effrayée par ce songe et craignant de causer la mort de la Bête, la Belle annonça à sa famille son prochain départ. Elle prit soin, ce soir-là, de tourner sa bague et s’éveilla au château de la Bête. 

 

L’inconscient intervient de nouveau sous la forme d’un rêve qui va aider la Belle en lui montrant l’état grave où se trouve la Bête, en raison de sa promesse non tenue.

L’inconscient intervient souvent au moment propice, au moment où l’on a besoin d’un petit "coup de pouce".

La caverne et la tour sont des lieux symboliques: des lieux féminins. La caverne est un lieu d’initiation, de mort et de renaissance, de retour vers ses profondeurs, et de connaissance de soi. 

De retour au château de la Bête

Elle passa une triste journée à guetter sa visite, en vain. La Belle s’en alarma et partit à sa recherche. Alors qu’elle s’abandonnait à d’amères pensées, elle s’aperçut qu’elle se trouvait dans l’allée de son rêve. Elle atteignit la tour et découvrit l’antre creux. 

 

Tour dans la forêt

 

La Bête était étendue par terre et paraissait morte! La Belle alla puiser de l’eau à une fontaine et lui rafraîchit la face. Elle multiplia les paroles de tendresse et les caresses avant que le monstre ouvrît enfin les yeux. "Que vous m’avez causé d’inquiétude! s’écria-t-elle. J’ignorais à quel point je vous aime. La peur de vous perdre m’a révélé que je suis attachée à vous par des liens plus forts que ceux de la reconnaissance. Je me serais donné la mort si je n’avais pu vous sauver." Cela plut fort à la Bête qui recouvrit ses forces. 

La Belle passa le restant de la journée au salon dans une profonde méditation. Lorsque la Bête la rejoignit, elle lui posa la question habituelle: "Voulez-vous m’épouser? – Oui, la Bête. » répondit la Belle doucement. - Je vous promets, reprit la Bête, de n’avoir jamais d’autre épouse."

 

La Belle part à la recherche de la Bête et se retrouve soudain devant la tour de son rêve. 

C’est au moment où elle va perdre la Bête que la Belle prend conscience de son amour pour elle et le lui avoue: "Je me serais donnée la mort si je n’avais pu vous sauver."

Libération de la Bête

À peine ces mots furent-ils prononcés qu’une décharge d’artillerie se fit entendre et l’air fut embrasé par une multitude de fusées, traçant sur le ciel les lettres "Vive la Belle et son Epoux". Puis, la Bête proposa à la Belle d’aller se coucher et les lumières s’éteignirent à l’instant. La Belle fut étonnée de le sentir à ses côtés aussi léger qu’elle.

Elle s’assoupit et sombra dans des songes délicieux emplis de son bel inconnu. Quelle ne fut sa stupéfaction à son réveil lorsqu’elle le vit dormir à ses côtés: il avait remplacé la Bête. 

À cet instant, elle entendit le bruit d’un carrosse et des voix lui parvinrent. Elle regarda par la fenêtre et vit deux dames majestueuses descendre de la voiture. Elle reconnut parmi elles celle qui l’avait visitée en songe. L’autre avait une allure encore plus noble. 

 

Deux femmes MA

 

Cela avait éveillé le beau jeune homme. Après les premiers transports qu’il eut pour les deux femmes, qui étaient sa mère et son amie, la fée, il embrassa tendrement la Belle et lui expliqua tous les mystères de sa métamorphose, son enfance et la malédiction qui lui a été jetée par une mauvaise fée. La famille de la Belle arriva sur ses entrefaites et le mariage fut célébré le lendemain en grande pompe. 

Union et Accomplissement

Le soir même, la Belle accepte d’épouser la Bête. En se réveillant, elle est stupéfaite de découvrir dans son lit le prince charmant dont elle a tant rêvé. 

Nous sommes au dernier stade de ce parcours de la Belle et de la Bête. Lors de leur première nuit ensemble, la Bête se métamorphose et redevient un être humain.

Mais il n’est plus le jeune prince qu’il était, le fils de sa mère. Il est devenu un homme. Il a intégré sa dimension animale, sa virilité, son ombre. Il a appris à se connaître et à connaître le féminin. En acceptant cette situation passive où il ne pouvait pas agir, il a intégré des aspects féminins. Et la bonne fée lui a permis d’intégrer le maternel positif.

La Belle, quant à elle, a intégré son ombre et son masculin. Elle s’est libérée de ses sœurs jalouses. Elle a progressivement intégré le masculin, en commençant par le niveau animal, ce qui lui a permis de se libérer de ses illusions, de ses rêves de "prince charmant" qui n’existe que dans les contes… 

La Belle et la Bête se libèrent donc l’un l’autre, ce qui est la finalité la plus élevée du couple. Un homme et une femme qui font ce chemin se sauvent l’un l’autre, se permettent mutuellement de grandir, de mûrir, de réaliser leur destinée propre.

La Belle et la Bête de ce conte "devaient" se rencontrer, car ils avaient des problèmes équivalents: absence du père et relation négative avec la mère pour la Bête; absence de la mère et relation excessive avec le père pour la Belle. 

Si l’humain peut sauver l’animal-instinct, celui-ci peut également sauver l’humain.

Ce n’est jamais un hasard quand une femme rencontre un homme animal, une "bête". Cela signifie qu’elle a quelque chose à "travailler" sur le plan du masculin, que son masculin n’est pas éveillé. Elle doit en premier lieu le rencontrer et l’accepter sous sa forme animale primitive, avant de l’intégrer et de l’humaniser.  

En parlant de la femme et de l’homme, R.M. Rilke a écrit que leur finalité était de se "couronner l’un l’autre". La femme fait de l’homme un roi, l’homme de la femme une reine. Ils se confèrent l’un à l’autre leur souveraineté, la reconnaissant et l’acceptant, au lieu de se dominer mutuellement et de se posséder l’un l’autre.

 

Couple roi et femme dans neige

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