"Violaine et Aldwali" - Conte de "belle et bête"
- Par kleiberpat
- Le 23/05/2021
- Dans Monde Imaginaire - Contes, Fictions et Rêveries
VIOLAINE ET ALDWALI - CONTE DE BELLE ET BÊTE
Il y avait au fond d’une vaste forêt une grotte découpée dans un rocher. Là résidait depuis fort longtemps un monstre - du moins c’est ainsi qu’on le désignait. Il se terrait le jour et sortait la nuit, lorsque la lune était noire. On lui avait donné le nom d’Aldwali, et l’on racontait qu’un sort lui avait été jeté par un méchant gnome appelé Croclit qui régnait sur la forêt. C’est la raison pour laquelle il ne pouvait voir la lumière du jour ni celle de la lune lorsqu’elle brillait, sous peine de mort.
Aldwali
Les autres nuits, il sortait et allait jusqu’à traverser la forêt. A la lisière, s’élevait une charmante maison bleue où vivaient trois fées. Aldwali était irrésistiblement attiré par cette maison, mais n’aurait jamais osé frapper à la porte, craignant que sa laideur ne les effraie.
Violaine
Dissimulé dans l’ombre nocturne, il se contentait d’écouter les bruits venant de l’intérieur et d’y jeter parfois un bref regard par une fenêtre. Il aimait regarder les trois fées et particulièrement Violaine, la plus jeune, la plus jolie et la plus gracieuse.
Combat nocturne
A sa vue, il soupirait, triste à en mourir, et des larmes coulaient sur ses joues de monstre. "Si seulement, se disait-il, je parvenais à entrer dans cette maison. Je suis sûr que je serais libéré du sort terrible qui m’a frappé et de cette carapace de monstre qui me rend hideux."
Une nuit où il était tapi dans le jardin des fées, songeant à sa vie sans espoir, il entendit un bruit de branche brisée qui le fit tressaillir. Il se retourna vivement et vit le nain Croclit s’avancer lentement, entouré de sa troupe de loups noirs. Leurs yeux brillaient avec cruauté dans la pénombre et leurs crocs étaient menaçants. Immobiles, leurs oreilles seules vibraient.
Aldwali fut très effrayé. Il désira s’enfuir. Mais il était trop tard. Il comprit, en voyant la plaine lune s’élever dans le ciel, que sa dernière heure était venue. Alors, il se jeta sur les loups avec courage et en blessa quelques-uns. Mais ils étaient de plus en plus nombreux à se ruer sur lui, le mordant, le griffant douloureusement. A bout de forces, il finit par perdre connaissance et s’effondra dans l’herbe. Triomphant, Croclit s’assura de sa mort et se détourna de lui. Entouré de ses loups, il partit en cortège à travers la forêt, célébrant sa victoire sur le pauvre Aldwali.
Pendant ce temps, la lune pâlissait et le jour se levait sur les cadavres des loups morts et la dépouille d’Aldwali. Brusquement, un bras remua, une tête bougea. Aldwali reprenait lentement connaissance. Etonné d’être encore en vie, il regarda autour de lui et vit l’aube poindre à travers les feuillages. "Vite, vite! se dit-il affolé, si le soleil paraît, je vais mourir!"
A grand-peine, il rampa d’arbre en arbre, de buisson en buisson parmi les ronces qui lui griffaient le visage. Les étoiles avaient disparu, quelques oiseaux faisaient entendre leurs premiers chants, le jour serait bientôt là. "Jamais, je n’y arriverai…" murmura Aldwali épuisé. Il était blessé partout et perdait beaucoup de sang. Mais il ne s’arrêtait pas. Enfin, après un ultime effort qui lui coûta des cris, il s’engouffra dans sa grotte et tomba sur sa couche de branchages.
Pendant ce temps, la fée Violaine et ses soeurs s’étaient réveillées. Comme chaque matin, elles sortirent dans le jardin. Il ne restait rien de l’horrible combat de la nuit. Sur l’ordre de Croclit, les loups avaient pris soin de faire disparaître toute trace de cet horrible affrontement. Rien ne laissait penser que ce jardin paisible avait été le champ d’une bataille sanglante. Rien, sinon quelques gouttelettes de sang presque séché qui rougissaient une feuille, aux pieds de Violaine. Baissant les yeux, elle poussa un cri de surprise et s’agenouilla pour examiner la feuille tachetée de rouge. Elle observa les environs et découvrit d’autres taches qui menaient dans la forêt. Cette forêt mystérieuse où elle ne s’était jamais aventurée, car on la disait enchantée et maudite.
Le voyage de Violaine
"Et s’il y avait quelqu’un de blessé? se demanda-t-elle pensive. Quelqu’un qui est peut-être sur le point de mourir."
Elle se sentit si émue à cette perspective qu’elle dut s’appuyer contre un arbre. Lorsqu’elle se sentit mieux, elle réfléchit quelques instants et prit une décision. Elle allait suivre les traces de sang et s’engager dans la forêt pour retrouver la créature qui avait été blessée dans son jardin. Elle devait le faire. Une voix au fond d’elle le lui disait clairement, malgré les dangers auxquels elle s’exposait. Il faut préciser que dans ce royaume maudit, les fées avaient perdu une grande partie de leurs pouvoirs et qu’il lui faudrait beaucoup de courage.
Elle avertit ses soeurs de sa décision. Affolées, celles-ci tentèrent par tous les moyens de la dissuader de s’engager dans une aventure aussi périlleuse. Mais Violaine demeurait inflexible. Ses soeurs parvinrent à confectionner un élixir pour lui permettre d’échapper aux dangers qui l’attendaient. Les remerciant, Violaine mit la fiole dans sa poche et leur fit des adieux déchirants.
Il faisait un temps magnifique lorsqu’elle s’engagea dans la forêt. Il y régnait une odeur délicieuse de mousse humide. Violaine marchait lentement, les yeux fixés à terre pour suivre les taches de sang. Peu à peu, la forêt devenait plus sombre, les arbres se resserraient, ne laissant que peu de place au sous-bois.
Soudain, un vent violent se leva et les arbres se mirent à onduler comme s’ils étaient ivres. Un tourbillon infernal précipita les feuilles, les fleurs arrachées et les branchages les uns contre les autres. Violaine dut s’agripper de toutes ses forces à une branche pour rester debout. Le sous-bois s’ouvrit alors, laissant passer une horde de nains très laids suivis par Croclit qui ricanait. En découvrant Violaine en mauvaise posture, il s’approcha d’elle avec un sourire narquois.
"Que fais-tu ici, dans mon royaume? lui cria-t-il d’une voix aiguë."
Terrorisée, elle lâcha sa branche et fut assaillie par la troupe de nains. Elle se débattit pour se débarrasser d’eux, mais ils étaient trop nombreux.
"Tu es ma prisonnière!" s’écria Croclit en s’apprêtant à mettre la main sur elle. Mais elle se saisit de la fiole dans sa poche et en but une gorgée. Aussitôt, elle se métamorphosa en un oiseau merveilleux, donna un coup de bec à Croclit et s’envola.
Après avoir volé quelque temps, Violaine se posa sur une branche et trouva un nid vide dans lequel elle s’étendit. Elle s’endormit en un instant. Cette nuit-là, Aldwali, dans sa grotte, entendit des rumeurs lugubres dans la forêt. Il s’y mêlait une musique étrange qui semblait venir d’un autre monde, comme un doux frémissement d’ailes.
Le soleil haut dans le ciel illuminait les ailes colorées de l’oiseau qui sommeillait encore. La forêt était magnifique. Le sous-bois s’éveillait avec le frémissement délicat des insectes de toutes sortes qui s’y frayaient un passage. Un écureuil dévisageait avec espièglerie l'étrange oiseau qui s’étirait et battait des ailes avant de prendre son envol.
Le monstre Acrim
De retour sur terre, Violaine reprit forme humaine et se baissa pour examiner les feuilles à ses pieds. Elle découvrit au pied de l’arbre une petite tache brunâtre. Souriant, elle poursuivit sa route. Le jour, les animaux se dissimulaient et elle ne voyait que des oiseaux qui folâtraient et piaillaient dans les branches.
Alors qu’elle avançait d’un bon pas, perdue dans ses rêveries, surgit devant elle un animal immense qui tenait à la fois du lion, avec sa crinière échevelée, du cheval et du serpent. Couvert d’écailles, il avait les yeux exorbités. Effrayée, Violaine chercha vivement sa fiole dans sa poche. Par malheur, elle l’avait oubliée sur l’arbre.
Le monstre se précipita sur elle. Elle tenta de lutter, mais il était trop fort. Il se saisit d’elle et l’emporta, à demi évanouie. Lorsqu’elle revint à elle, elle se trouvait dans une chambre très haute drapée de lourdes tentures, perchée au sommet d’une tour. Regardant par la fenêtre, Violaine comprit qu’il lui serait difficile de s’échapper de sa prison. Découragée, elle se laissa tomber sur le lit. Quelques heures passèrent, durant lesquelles elle chercha désespérément une issue à sa situation.
Soudain, la porte s’ouvrit et un rai de lumière se découpa sur le sol. Violaine sursauta et se leva. L’animal monstrueux entra dans la pièce, vêtu d’une robe pourpre, une couronne sur la tête. Il la fixa avec satisfaction puis s’agenouilla devant elle.
"Mon nom est Acrim, lui dit-il. Je suis le roi de ce royaume. Je t’ai choisie pour devenir mon épouse et ma reine. Aussi, prépare-toi aux noces.
- Jamais, jamais! s’écria Violaine en pleurant. Je préfère mourir!
- Tu ne mourras pas, tu seras ma femme! rétorqua l’animal répulsif. Dans trois jours, on fêtera les noces et je te ferai visiter mon royaume. Acrim ne mourra pas sans avoir eu un héritier.
- Je me tuerai avant! cria Violaine de plus belle.
- Je te fera surveiller et dans trois jours, tu sera ma femme! rétorqua l’horrible bête avec assurance."
Il se dirigea vers la porte et la referma violemment derrière lui. Violaine s’effondra. Elle pleura toute la nuit et ne s’assoupit qu’à l’aube. Un oiseau battait des ailes devant la fenêtre, mais elle ne le l’entendit pas, tant elle était ravagée par son chagrin.
A son réveil, Acrim était à son chevet, plus laid que jamais dans son accoutrement grotesque.
"Alors, lui lança-t-il ironiquement, tu es toujours aussi récalcitrante, ma future épouse?"
Sans un mot, Violaine enfonça la tête dans son oreiller pour ne plus l’entendre ni le voir. Il sortit donner des ordres pour les préparatifs des noces. Violaine passa une nouvelle journée en larmes. Elle réfléchit au moyen de prévenir ses soeurs, mais c’était en vain. Elles étaient trop éloignées, au-delà des hautes montagnes qui se profilaient à l’horizon, et il était impossible de les atteindre. Le lendemain, elle deviendrait la femme d’Acrim. Il ne restait qu’une nuit et les serviteurs du monstre la surveillaient sans arrêt. Elle était si lasse et affligée qu’elle sombra dans un profond sommeil.
C’était une nuit sans lune, sombre et inquiétante. Il n’y avait pas un bruit dans la forteresse. Tout le monde dormait, y compris les gardes. Violaine rêvait à sa chère maison bleue et, dans son sommeil, percevait quelques notes de musique. Soudain, elle s’éveilla et, se redressant, aperçut l’ombre d’un oiseau palpiter sur le mur. Son plumage étincelait étrangement dans l’obscurité.
Le coeur battant, elle s’approcha de la fenêtre. L’oiseau avait disparu, mais sur le rebord se trouvait un objet. C’était la fiole contenant l’élixir qu’elle avait oublié sur l’arbre. Sauvée, elle était sauvée! Elle se saisit précipitamment du flacon et en but une gorgée.
Alors qu’elle se couvrait de plumes, Acrim fit irruption dans sa chambre en rugissant. Il se précipita vers elle, mais il était trop tard. Déjà elle s’envolait. Fou de rage, Acrim se lança à sa poursuite. Oubliant dans sa fureur qu’il était au sommet de la tour, il s’écrasa sur les rochers et expira dans un râle.
L'épreuve du feu
Violaine vola longtemps sans trouver d’abri pour se poser. Il n’y avait qu’une plaine dévastée, immense et vide. Le jour commençait à poindre et elle se sentait morte de fatigue. Elle était sur le point de se laisser tomber lorsqu’elle aperçut un arbre au feuillage luxuriant qui dissimulait un rocher. Elle se posa aussitôt sur une branche où elle s’endormit.
Bientôt, une clarté éblouissante emplit le ciel. Le soleil se levait. Et en même temps s’élevait un vent tempétueux qui secouait la branche où Violaine s’était réfugiée. A tel point qu’elle fut happée et précipitée contre le rocher derrière l’arbre. Une grotte s’y découpait où elle tomba. Un tapis de feuilles mortes amortit sa chute et elle put se relever sans trop de mal.
Alors qu’elle tentait de se frayer un chemin dans l’obscurité, une lueur vive éclaira la grotte. Les parois étaient recouvertes de dessins. Violaine s’en approcha et découvrit avec stupéfaction que les images illustraient sa vie, son passé et toutes les aventures qu’elle venait de vivre. Il y avait même des inscriptions qui faisaient allusion à son avenir. Mais elle ne parvint pas à les déchiffrer. Pendant qu’elle scrutait avec attention les dessins, la lueur inondait de plus en plus la grotte.
En réalité, c’était un feu puissant dont les flammes s’élançaient vers elle. Déjà, elle sentait une chaleur suffocante à ses pieds. Elle ne pouvait ni changer de place ni s’envoler, elle risquait de se brûler les ailes et de périr. Elle se mit à à tousser, respirant avec difficulté et s’adossant à la roche déjà brûlante.
Métamorphose d'Aldwali
Alors qu’elle se sentait perdue, il lui sembla que la roche derrière elle basculait légèrement, comme si une porte s’ouvrait. Elle aspira une bouffée d’air frais tandis que des mains l’empoignaient avec vigueur.
Quelques instants plus tard, elle se retrouva dans une large grotte qui surplombait la forêt. Elle crut même distinguer au loin sa maison, minuscule point bleu à l’horizon. Elle sortit pour respirer profondément et, baissant la tête, vit à ses pieds des gouttes de sang séché.
Se retournant, elle vit au fond de la grotte Aldwali, la tête basse, qui ne disait mot. Elle alla vers lui, rayonnante de joie, et lui donna un baiser pour le remercier de l’avoir sauvée. Aldwali sentit alors sa carapace se déchirer et s’arracher de lui, le libérant d’un poids écrasant. Il s’extirpa d’un amas de cendres amoncelées à ses pieds. Il ne le savait pas, mais il était beau et charmant comme un jeune prince.
Violaine se jeta à son cou, éperdue de joie. Puis, ils se rendirent dans le royaume d’Acrim dont les habitants se réjouissaient d’être enfin débarrassés de ce monstrueux monarque qui avait usurpé le trône et demandé au nain Croclit de tuer le prince héritier.
Aussi, lorsque celui-ci apparut avec Violaine, la liesse fut à son comble. Peu après, le prince Aldwali et la fée Violaine devinrent souverains du royaume. Ils le délivrèrent de toutes les créatures maléfiques qui y vivaient, et rendirent aux fées leur pouvoir d’enchanter le monde.
Union de Violaine et d'Aldwali
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