Destin de femme: Vouée à rester "dans la lune" - "La femme-araignée"
- Par kleiberpat
- Le 21/04/2020
- Dans Que nous révèlent les contes et mythes?
ÉLÉMENTS D’ANALYSE DE "LA FEMME-ARAIGNÉE" (conte eskimo)
Il était une fois un homme et une femme qui n’avaient qu’une fille et auraient vécu très heureux si celle-ci n’avait tant dédaigné les hommes. Son père désirait vivement qu’elle se marie, car elle était jolie, et il lui arrivait même d’inviter des jeunes gens le soir à la maison, mais rien n’y faisait: une simple allusion à ce sujet mettait sa fille de mauvaise humeur et elle s’en allait à la vue du moindre prétendant.
Son père lui dit qu’il n’invitait pas ces hommes pour l’attrister ou la contrarier, mais qu’elle devait se rappeler qu’elle était leur unique enfant et que bientôt ils seraient vieux. Ces paroles attristèrent tant la jeune fille qu’elle s’en alla dans la vaste plaine ondulée.
Soudain, une tête jaillit de terre, une tête sans corps, mais dont le visage était celui d’un très beau jeune homme. Il sourit à la jeune fille et lui dit: "Vous ne voulez pas de mari, mais je viens vous chercher et il faut que vous sachiez que je suis issu d’une grande et puissante race."
Pour la première fois de sa vie, la jeune fille se sentit heureuse en la compagnie d’un homme. Elle ramassa la tête et, la dissimulant avec soin dans son manteau de fourrure, la ramena à la maison à la nuit tombée. Elle se glissa à la dérobée dans sa chambre, déposa la tête près de sa couche, s’étendit et parla gaiement avec l’étranger qu’elle aimait parce qu’il ne ressemblait pas aux autres hommes.
Rencontre avec "l'homme-tête"
Voici un conte eskimo très ancien et différent de la plupart des contes occidentaux, car sa fin est négative. C’est ce qui le rend si intéressant à explorer.
La question fondamentale qu'il pose est la suivante: pourquoi l’héroïne ne parvient-elle pas à réaliser son destin et à trouver de l'aide, en ayant l'attitude juste?
Le conte débute par son refus obstiné de la destinée ordinaire des femmes qui est de se marier. Elle est semblable à Lilith, considérée comme la première femme d’Adam, et qui s’est révoltée contre la soumission conjugale et le mariage.
Il est fréquent dans les contes que l’héroïne ou son père ne veuille pas de l’époux qu’on lui propose et pose des conditions difficiles qu'un prétendant finit par surmonter. Mais il est plus rare qu'elle rencontre des hommes étranges, irréels, archétypiques avec lesquels rien n'est possible, et ce, jusqu'à cesser d'être une femme.
Toutefois, malgré son obstination à refuser, la jeune fille finit tout de même par rencontrer un homme qui lui plaît. Mais il s'agit d'un homme particulier et différent des autres: un "HOMME-TÊTE".
Les "esprits-têtes" sont courants dans les tribus polaires. Ils vivent au fond de la mer ou sous la terre, et résident donc dans l’inconscient. Les Arabes et certaines tribus africaines croient aussi aux esprits du désert qui se déplacent en roulant. Ceux-ci symbolisent les esprits des morts et sont appelés "crânes" ou "têtes".
Psychologiquement, cette jeune fille souffre d’une image masculine très dévalorisée. C’est pourquoi elle épouse une "tête" et non pas un homme réel.
Une femme qui épouse une "tête" est esseulée et ne parvient pas à créer de lien avec les autres. Elle vit exclusivement dans ses rêves et poursuit un dialogue intérieur avec sa pensée ou son intellect masculin. À tel point que cette pensée devient un élément spirituel ou intellectuel autonome en elle et l’entraîne hors de la réalité. En d’autres termes, elle est possédée par un complexe masculin qu’elle ne peut plus maîtriser.
Néanmoins, un tel dialogue intérieur avec le masculin peut également être positif pour une femme, mais uniquement s’il lui permet d’évoluer spirituellement, intellectuellement, et de devenir créatrice.
En fait, il n’est négatif que s’il devient obsessionnel et coupe la femme de la réalité. Elle doit alors prendre conscience de cette influence négative en elle et comprendre que les pensées ou rêveries qu'elle ne cesse de ressasser ne viennent pas d’elle, mais du masculin négatif en elle.
Réaction paternelle
Son père, s’étant éveillé, entendit des murmures et des rires provenant du lit de sa fille. La même chose se reproduisant les nuits suivantes, il se réjouit à l’idée d’avoir enfin un gendre et un chasseur dans la maison. À partir de ce moment, la jeune fille fut toujours gaie et heureuse et ne quitta presque plus sa couche. Malgré tout, le père et la mère étaient surpris de ne jamais voir leur gendre. Un jour que la jeune fille était sortie, le père écarta la fourrure qui recouvrait le lit de sa fille.
Découvrant une tête sans corps, il fut pris d’une grande colère. Il s’empara d’une broche à viande, l’enfonça dans l’œil du jeune homme puis jeta la tête hors de la maison en s’écriant: "Je n’ai que faire d’un gendre sans corps, incapable de chasser pour nous dans notre vieillesse!" La tête roula de plus en plus loin et disparut dans la mer, laissant une traînée de sang derrière elle.
La nuit suivante, le père et la mère entendirent leur filler sangloter sans cesse. Au matin, elle leur demanda où était son mari et le père lui répondit qu’ils se souciaient peu d’un tel gendre. "Vos paroles sont stupides et vous vous êtes comportés de façon insensée, répondit la jeune fille, car c’était un homme capable et non un être humain ordinaire; aussi je ne resterai pas plus longtemps avec vous."
Ce dialogue somme toute très agréable pour la jeune fille, est interrompu par le père qui entend sa fille parler avec son époux-tête. Et le père a une réaction masculine typique vis-à-vis de sa fille: il blesse violemment son masculin.
En général, dès qu’un homme sent les aspects masculins de sa fille s’éveiller - à savoir ses capacités intellectuelles, spirituelles, créatrices, sa faculté de penser par elle-même - il a tendance à la dévaloriser et à entraver son éveil. Dans un passé encore récent, de nombreuses femmes n’ont pas pu faire d’études en raison du refus de leur père.
Sur le plan collectif, les femmes ont dû lutter âprement pour accéder aux études et aux activités intellectuelles. Quant aux activités spirituelles, aujourd’hui encore, la plupart des religions refusent l’engagement actif des femmes, par exemple la possibilité pour celles-ci d’être prêtresses. Ce qui existait pourtant dans les sociétés antiques.
L’homme peut ainsi détruire les aspirations d’une femme, voire sa vie entière: dans ce conte, le père détruit le masculin de sa fille en blessant la tête de son époux qui se met à saigner. La fille décide aussitôt de quitter sa famille et de partir à sa recherche en suivant les traces de son sang.
A la recherche de "l'homme-tête"
Elle quitta la maison, et suivit la traînée de sang jusqu’à la mer. Là, elle voulut plonger, mais les vagues étaient dures comme du bois. Alors elle se mit à la recherche d’un lemming blanc qu’on supposait tombé du ciel et doté de pouvoirs magiques. Elle finit par en attraper un, le jeta dans la mer et aussitôt les vagues s’écartèrent et un chemin s’ouvrit devant elle. Elle s’y engagea et descendit jusqu’au fond de la mer.
Au loin, elle aperçut une petit maison. Elle y courut et, à travers la fenêtre, vit un vieux couple et leur fils. EEtendu sur sa couche, celui-ci avait récemment perdu un œil. La jeune fille l’appela: "Me voici, viens!" Mais le jeune homme répondit qu’il n’irait plus avec elle à cause de ses parents. La pauvre fille eut beau dire qu’elle ne retournerait jamais chez ses parents, rien n’y fit.
Elle en fut si accablée que, ne sachant plus ce qu’elle faisait, elle courut autour de la maison dans le sens du soleil se déplaçant dans le ciel.
Alors elle aperçut deux chemins: l’un menait droit devant elle jusqu’à la terre, l’autre montait vers le ciel. Elle choisit le second.
Quand l’homme vit cela, il lui cria qu’elle prenait le mauvais chemin et devait faire demi-tour, car si elle montait au ciel, elle n’en reviendrait jamais. "Peu m’importe, rétorqua-t-elle, si tu ne veux plus vivre avec moi!" Le jeune homme regretta alors ses paroles et la supplia de revenir, mais elle montait de plus en plus haut et finit par disparaître de sa vue.
De la mer au ciel
L’héroïne poursuit son périple. Elle veut entrer dans la mer, c’est-à-dire dans l’inconscient. Mais elle est rejetée par l’homme-tête.
Elle en est si blessée qu’elle renonce à poursuivre dans cette voie. Elle court alors de manière insensée autour de la maison de l’esprit-tête, dans le mauvais sens, le sens contraire des aiguilles d’une montre.
Psychologiquement, au lieu de devenir plus consciente, elle sombre encore davantage dans l’inconscience et la folie.
Chez une femme, le masculin qui s’éveille est très vulnérable et sensible: s’il est profondément blessé, elle ne pourra jamais retrouver cette passion initiale et cet enthousiasme qu’elle a éprouvés.
La jeune fille doit alors choisir entre deux chemins: retourner sur terre, remettre les pieds sur terre, ou monter au ciel. Elle choisit de monter au ciel.
Bien que l’esprit-tête l’ait prévenue du danger à monter au ciel, elle est si endolorie et dépitée par son rejet qu’elle choisit la mauvaise voie.
"Puisque tu ne veux plus vivre avec moi!" lui dit-elle. Un dicton allemand exprime parfaitement ce sentiment: "C’est bien fait pour mon père si j’ai les pieds gelés et si je tombe malade!"
Cette jeune fille souffre d’un complexe-paternel si négatif qu'il l’entraîne dans un monde totalement irréel.
Un tel problème ne peut bien sûr être imputé aux parents, qui en sont la plupart du temps inconscients. Nous subissons certes les influences de l’inconscient de nos parents, mais ils en sont irresponsables.
Cependant, si les parents son reliés positivement à leur inconscient, s’ils ont fait un travail sur eux, ils font moins pression sur leurs enfants et ont avec eux des relations plus saines et moins contraignantes.
Une fille dotée d’un masculin puissant ne doit pas le fuir ou se perdre dans des considérations intellectuelles. Il est préférable qu’elle s’adonne à une activité créatrice. Celle-ci lui permet de fuir les idées dévalorisantes que lui souffle son masculin négatif en donnant à ce dernier un moyen d'expression bénéfique et salutaire.
La jeune fille poursuivit sa route et arriva devant un objet qui ressemblait à un couvercle percé d’un trou. Elle prit son courage à deux mains, sauta, saisit le bord et se jeta dans l’ouverture: de l’autre côté, elle trouva à nouveau de l’air, un ciel et une terre. Il y avait un lac. Elle y alla et s’assit au bord, pensant mourir là car la vie n’avait plus aucun sens pour elle.
Soudain, elle entendit un bruit de rames. Levant les yeux, elle aperçut un homme dans un kayak. Tout ce qu’il possédait – son kayak, ses rames et son harpon – était d’un cuivre étincelant. La jeune fille resta immobile et muette, pour qu’il ne la vît pas.
L’homme se mit alors à chanter: "Un sein de femme tente un kayak qui traverse le lac étincelant pour caresser la douceur de ses joues." Comme il terminait son chant, l’homme leva un bras très haut vers le ciel et abaissa l’autre en direction du lac. La jeune fille s’aperçut que la partie supérieure de son corps était toute nue et que son manteau de fourrure était posé sur le bras de cet homme étrange. L’homme chanta une seconde fois le même couplet puis leva à nouveau un bras et abaissa l’autre. Le reste des vêtements de le jeune fille s’envola et alla également se poser sur le bras levé.
Et la jeune fille resta là, nue et honteuse. L’homme chanta le même chant une troisième fois, mais la jeune fille perdit connaissance. Quand elle revint à elle, elle était assise à côté de l’homme dans le kayak.
Le "dieu-lune"
Après avoir décidé de monter au ciel, la jeune fille passe par un trou, un vide. Ce vide permet le passage d’un monde à l’autre.
Elle quitte donc l’espace terrestre et humain, et arrive dans un monde archétypique.
Psychiquement, cela signifie qu’elle est possédée par l’inconscient collectif: c’est un état de folie - comme chez les schizophrènes qui sont submergés par les contenus de l’inconscient et vivent dans un autre monde.
Dans ce monde, la jeune fille rencontre "l’esprit-lune" ou "dieu de la lune": pour les Eskimos, "l’esprit-lune" règne dans le ciel et se promène dans un kayak. Il réussit à la dépouiller et à la mettre à nu en lui ôtant ses vêtements.
Ce dieu de la lune est pour la jeune fille une nouvelle figure archétypique du masculin. Mais il est différent de l’esprit-tête: il n’est pas un esprit individuel, mais un dieu, le dieu de la fécondité, celui qui dispense la nourriture.
En général, dans les mythes, c’est la déesse-mère qui donne la nourriture, l’abondance, la fécondité: pour les Eskimos, c’est la déesse SEDNA qui nourrit les humains.
Mais ici, c’est un dieu masculin qui endosse cette fonction: il y a d’autres dieux lunaires masculins. La fécondité peut être masculine ou féminine.
Les Eskimos sont particulièrement soumis aux aléas de la nature pour leurs activités de chasse et de pêche: alors, ils prient leur Dieu-lune en élevant des récipients à eau vers lui.
Semblables à de nombreux peuples traditionnels, les Eskimos ne sont pas actifs, mais passifs: ils dépendent de la volonté du dieu qui leur prodigue leur nourriture.
Psychologiquement, si une femme rêve du Dieu-lune, cela signifie qu’elle a une attitude passive face à l’inconscient: elle perçoit l’inconscient comme un phénomène actif qui la perturbe, la conditionne, et dont elle attend tout.
En réalité, elle n'est pas incarnée: elle est "dans la lune"...
Au ciel
L’homme l’emmena très loin en ramant de ses rames de cuivre qui, humides, scintillaient dans l’air. Ils arrivèrent à un village: à l’entrée se trouvait une grande maison et derrière celle-ci, une autre plus petite. L’homme dit d’une voix sévère: "Rentre dans la grande maison, mais jamais dans la petite."
La jeune fille lui obéit et entra dans la grande maison, tandis que l’homme s’éloignait dans son kayak. L’atmosphère de cette demeure, où il n’y avait âme qui vive, était lugubre. La jeune fille y était depuis peu lorsqu’une petite femme habillée de vêtements extraordinaires, faits de boyaux de morse, arriva en courant. Elle cria à la jeune fille de se cacher dans l’autre maison, sinon l’homme la tuerait. La jeune fille la suivit aussitôt.
Dans l’autre maison, elle vit, assise sur la couche, une petite fille qui vivait avec cette femme. La femme dit à la jeune fille qu’elle était sauvée pour cette fois, mais que l’homme qui l’avait amenée n’était pas un homme ordinaire et que personne n’était capable de lui résister; et lorsqu’il rentrerait, il serait très fâché de voir qu’elle avait quitté sa maison, mais elle l’aiderait.
Elle lui donna un bol rempli d’eau contenant quatre petits morceaux de peau de baleine et lui dit que, lorsque l’homme étrange reviendrait, il lui faudrait se cacher dans l’entrée de la maison et lui jeter au visage le contenu du récipient, car elle avait chanté une incantation sur ces objets afin de les rendre puissants.
La magicienne bénéfique
La jeune fille est en proie à ce dieu-lune sans savoir comment agir contre un personnage aussi puissant.
Celui-ci ne peut être vaincu que par la magie de la femme vêtue de peaux de bêtes qui vit dans son monde. Cette femme a la faculté de faire décroître la lune et de déposséder temporairement le dieu lunaire de sa puissance.
Elle est une figure féminine positive pour la jeune fille, susceptible de la sauver, car elle a davantage de pouvoir que le Dieu-lune.
Malheureusement, la jeune fille est tiraillée entre deux opposés: le dieu lunaire d’humeur changeante, négatif et destructeur, et la femme qui l’aide - c'est-à-dire le masculin et le féminin. Il semble qu'elle soit impuissante à distinguer ce qui est bon ou mauvais pour elle. La fonction SENTIMENT - la fonction de discrimination entre le bien et le mal, entre autres - est atteinte. Ce qui est grave pour une femme.
La terre vue de la lune
L’homme revint bientôt dans son kayak. S’étant assis au bord de la mer, il cria à la jeune fille de rester tranquille, qu’il ne lui ferait pas de mal et que d’ailleurs elle ne pourrait pas se dérober à sa vue. Il arriva en volant dans l’air comme un oiseau, et fit ainsi quatre fois le tour de sa maison; puis il parvint à la petite maison. Là, il prit sa flèche à oiseau, en lui criant qu’il ne voulait pas la tuer.
La jeune fille, cachée dans l’entrée, lui jeta les morceaux de peau de baleine au visage. À l’instant même, l’homme s’écroula et perdit toute force. Rendu inoffensif par la petite femme vêtue de peaux pour quelque temps, cet homme était en réalité l’Esprit de la Lune en personne. Celui-ci est imprévisible et peut devenir dangereux: il prend, mais il donne aussi, et l’on doit lui offrir des sacrifices pour bénéficier des richesses qu’il détient.
Les trois femmes montèrent dans les combles où s’ébattaient de nombreux rennes, et dans un coin, elles virent un grand baril d’eau dans lequel des baleines, des morses et des phoques nageaient. Au centre de la pièce gisait une omoplate de baleine. Les femmes l’écartèrent et découvrirent une ouverture qui donnait accès à la terre, et par laquelle on pouvait voir jusque dans les demeures des humains. On les entendait demander ce dont ils avaient besoin: certains réclamaient de la viande de baleine, d’autres une longue vie, car l’Esprit de la Lune est si puissant qu’il peut accorder tout cela.
La jeune fille observa les différents pays de la terre et aperçut très loin en bas le village le plus vaste qu’elle connaissait, Tikéra. De nombreuses personnes mettaient de l’eau dans de petits récipients et lançaient cette eau en direction de la nouvelle lune afin d’obtenir une bonne pêche. Tout cela ressemblait à un rêve. La jeune fille ne pouvait comprendre comment elle était arrivée là, dans cet univers qu’elle ne connaissait que par les histoires racontées par les anciens. Peut-être était-ce dû au fait que la petite femme revêtue de peaux avait plongé l’Esprit de la Lune dans l’inconscience? Car c’est à la nouvelle lune, lorsque l’Esprit de la Lune est affaibli, que les hommes lui offrent des sacrifices et expriment leurs vœux; puis la lune redevient pleine et brille de l’éclat du cuivre.
La jeune fille savait à présent comment s’y prendre pour implorer de la lune une bonne pêche: certains employaient des formules magiques si fortes que leur eau montait tout près de la maison de l’Esprit de la Lune. Sur terre, leurs récipients étaient tout petits, mais ici, grâce aux paroles magiques, ils devenaient énormes et contenaient une eau fraîche et pure. Ces sacrifices étaient offerts aux animaux marins qui souffrent de la soif, tantôt une baleine, tantôt un morse, tantôt un phoque qui étaient mis dans leurs récipients lorsque ceux-ci atteignaient la maison de la lune. Cela signifiait que la prière de l’homme avait été entendue, son sacrifice accepté et qu’il ferait une bonne pêche.
La femme-araignée
Se rappelant le plaisir que procurait une bonne pêche, la jeune fille eut le mal du pays, elle qui, peu de temps avant, ne pensait encore qu’à mourir. La vieille femme vêtue de peaux et sa petite compagne étaient tristes pour elle et voulurent l’aider à redescendre sur terre.
Elles tressèrent une corde de nerfs qu’elles enroulèrent au fur et à mesure. Lorsqu’elle fut terminée, la vieille femme dit: "Ferme les yeux et laisse-toi descendre. Mais à la minute précise où tu toucheras terre, ouvre rapidement les yeux, sinon tu ne redeviendras jamais humaine."
La jeune fille attacha fermement le bout de la corde dans le ciel et commença à se laisser glisser. Elle pensait que ce serait très long, mais elle sentit le contact du sol sous ses pieds plus tôt qu’elle ne s’y attendait.
Aussi elle n’ouvrit pas les yeux assez vite et fut transformée en araignée. C’est d’elle que proviennent toutes les araignées du monde: toutes viennent de la jeune fille qui se laissa descendre du ciel jusqu’à terre au moyen d’une corde de nerfs tressés.
Vouée à rester "dans la lune"
Malgré l’aide de la femme bénéfique, la jeune fille ne réussit pas à retourner sur terre et à se libérer. Son expérience initiatique est un échec.
Le thème du regard et des yeux qui doivent s’ouvrir à un moment précis est fréquent dans les contes et mythes.
Le regard est très important dans les civilisations anciennes où la conscience n’est pas encore éveillée, où les yeux sont encore clos, et où les humains vivent dans une sorte de léthargie et de fusion avec le monde qui les entoure.
L’erreur fatale de la jeune fille est de ne pas ouvrir les yeux À TEMPS.
Elle a pourtant acquis une grande expérience, et des connaissances de l’au-delà et de l’inconscient. Elle aurait pu les transmettre à ses semblables, devenir une femme clairvoyante et sage. Mais, en raison de cette erreur fatale, elle échoue.
Psychiquement, sa conscience est trop faible, pas assez éveillée, pour assumer et intégrer l’inconscient, particulièrement l’inconscient collectif avec ses puissants archétypes.
Pourquoi la jeune fille n’ouvre-t-elle pas les yeux à temps? Il est possible qu’elle ne veuille ou ne puisse voir la réalité en face. Elle ne veut pas remettre les pieds sur terre après son extraordinaire expérience intérieure.
Il est difficile d’accepter la simple et banale réalité quand on a été l’épouse du dieu-lune, qu’on a été "dans la lune". On peut préférer rester dans ce monde extraordinaire. Cela arrive à de nombreuses personnes qui ont fait des expériences hors du commun, ou sont entrées en contact avec leur inconscient. Elles refusent de guérir, d’affronter la réalité, de retourner dans leur misère quotidienne, ce qui est tout à fait compréhensible.
Donc, la libération n’a pas lieu: en analyse, de telles personnes doivent en premier lieu raffermir et renforcer leur MOI, avant d'être en mesure d'entrer en contact avec leur inconscient.
En conséquence, la jeune fille devient une araignée pour l’éternité.
Athéna et Arachné
La métamorphose en araignée est magnifiquement illustrée par le récit mythologique d’"Athéna et Arachné".
Athéna, déesse de la raison et de la spiritualité, née de la tête de Zeus, est la maîtresse du tissage.
Arachné, une jeune Lydienne, n’est qu’une vulgaire mortelle, mais elle est très douée en tissage et elle ose provoquer Athéna. Toutes deux s’installent devant leur métier à tisser.
Athéna brode les douze dieux de l’Olympe dans toute leur majesté, et dans les quatre coins de sa broderie, elle montre les châtiments infligés aux humains qui osent défier les dieux.
En réponse à cette belle image des dieux, Arachné brode les amours des dieux pour de vulgaires mortelles.
Athéna en est très irritée et frappe Arachné de sa navette. Arachné veut alors se pendre et Athéna lui sauve la vie, mais la métamorphose en éternelle araignée.
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