Destin masculin: Apprivoiser et libérer la "mégère" - "La princesse noire"

Femme noire et dorée

 

ÉLÉMENTS D’ANALYSE DE "LA PRINCESSE NOIRE" (conte autrichien)

 

Ce conte montre de manière simple et claire comment un homme peut être confronté à la violence du féminin, jusqu’à être menacé de mort.

Ce conte est très marqué par le catholicisme, puisqu’il se passe entièrement dans une église. Dans le catholicisme, les aspects lumineux du féminin ont été projetés collectivement sur la Vierge Marie, et les aspects sombres ont été refoulés - bien qu'ils aient été "tolérés" sous la forme des vierges noires.

Les contes compensent en général la conception reigieuse orthodoxe et conformiste, en mettant en scène l’aspect très obscur de la femme.

La figure féminine y est souvent fille du diable ou en proie à un démon. Cela est dû au fait que, dans les pays chrétiens - et musulmans - il n’y a plus de déesse. L’ancienne déesse-mère est tombée dans l’oubli, dans l’inconscient, où elle est devenue menaçante et malfaisante. 

Le culte de Marie est prédominant au 13è siècle: c'est l’époque où les hommes ont projeté leur féminin intérieur sur cette figure divine maternelle. Mais en même temps, ils ont cessé de la projeter sur des femmes individuelles, comme auparavant sur la "Dame" des chevaliers. 

Ce conditionnement collectif n’a malheureusement pas aidé les hommes à accepter la femme dans sa totalité, avec ses aspects lumineux et obscurs.

Dans ce conte, l’aide va provenir d’un vieil homme musicien, qui apprend au héros à lutter contre la femme destructrice, à la sauver et la racheter. 

Prière ambigüe de la reine

Un vieux roi et une vieille reine n’avaient pas d’enfants. Or, la reine en souffrait beaucoup. Dans la ville se trouvait un grand pont de pierre surplombant la rivière; au milieu, sculptées dans la pierre, se dressaient à droite une statue du Christ et à gauche une statue de Lucifer.

 

Doubles-César Borgia et Christ

 

La reine se rendait souvent devant le crucifix et priait le Christ pour avoir un enfant. Comme ses prières restaient sans effet, elle se tourna un jour vers Lucifer et lui adressa une prière. Trois mois plus tard, elle se trouva enceinte. Elle en avertit le roi, pensant lui faire plaisir. Mais le roi ne manifesta aucune joie et ne fit aucune remarque.

Le roi et la reine de ce conte sont âgés et n'ont pas d'enfant. Ils sont stériles  et la situation collective l'est donc également.

Tous les aspects psychologiques ne sont pas intégrés, notamment les aspects sombres. À tel point que la reine s'adresse à Lucifer lui-même après avoir prié vainement le Christ. Elle s'adresse au prince des ténèbres, puisque le prince de la lumière ne lui a pas répondu.

Psychologiquement, elle s'adresse à son masculin négatif, ce qui va avoir des conséquences terribles sur son enfant.

Cette situation est très étrange. Ce n’est pas le roi qui est responsable de la grossesse de sa femme, mais le masculin négatif de la reine, à savoir Lucifer.

Psychiquement, c’est Lucifer qui a rendu la reine enceinte.

 

Diable-Sculpture

Naissance de l'enfant maudite

Au bout de six mois, le roi donna une fête et le temps étant venu, la reine accoucha d’une fille noire comme du charbon. Celle-ci se mit à grandir en une heure autant qu’un autre enfant en une année. En 24 heures, elle avait atteint sa taille adulte, mais n’avait encore prononcé aucune parole. Comme elle avait grandi si vite, le roi la fit asseoir avec eux à table. 

 

Femme-squelette noire

 

La reine engendre donc une princesse noire, qui révèle aussitôt sa dimension obscure. Elle se développe très rapidement et devient adulte. Surhumaine, elle est dotée de pouvoirs magiques.

Elle vit hors de l'espace/temps humain, donc dans l'inconscient. 

Il est utile de préciser que l'inconscient n'est pas soumis aux lois de l'espace/temps qui régissent notre vie consciente et réelle. C’est pour cela qu'il nous paraît si incompréhensible et irréel. 

De même, les archétypes, figures et symboles qui le constituent ont autant de difficulté à comprendre notre moi conscient.

Ces deux dimensions de notre psyché vivent dans des univers et à un rythme différents. 

En tant que contenu de l'inconscient, le féminin non assimilé possède l'homme, l'entraîne hors de la vie et le détruit. Cette femme intérieure se montre affamée, impatiente, dévoreuse, à l’instar d’une mante religieuse ou d’une "vamp".

Mais si cette figure féminine possède l'homme, c’est parce qu'il se laisse posséder par elle au lieu de l'apprivoiser et de la transformer. Dans la réalité, de nombreux hommes se laissent posséder par des femmes mégères destructrices. 

Il faut trouver la bonne attitude avec la "mégère", et cette attitude doit être radicale. Malheureusement, peu d'hommes ont assez d’intelligence psychologique et de maturité, de fermeté et de courage pour faire face au féminin obscur et l’apprivoiser. Alors, ils se laissent gentiment dominer et posséder, à la fois par leur féminin intérieur et la femme extérieure sur laquelle ils ont projeté ce féminin.

Mort et enterrement de la princesse noire

Soudain, au moment où elle se levait de table, la princesse noire se mit à parler et dit: "O père infortuné, ô mère infortunée, voici venue l’heure de malheur où je dois mourir. Lorsque je serai morte, enterrez-moi dans l’église derrière le maître-autel, dans un tombeau de fer. Et lorsque je serai enterrée, chaque nuit, un homme devra monter la garde près du tombeau. S’il ne vient pas une seule fois, il n’en résultera rien de bon, mais s’il est absent plus souvent, ce sera encore pire."

 

Eglise construction

 

La princesse annonce à ses parents qu’elle va mourir et leur donne des instructions précises au sujet de l’endroit où elle désire être enterrée: dans une église, derrière l’autel.

Elle dévoile ainsi ce qu'elle est, ce qu'elle représente: l'aspect sombre du christianisme. Elle a une dimension divine, certes, mais "derrière" l'autel, elle est du côté de l'ombre. 

Son cercueil est en fer: le fer est le métal du dieu Mars, qui est en lien avec la guerre, le conflit. Enfermée dans un cercueil de fer, la princesse est prisonnière de son corps. 

Psychologiquement, ce que nous refoulons devient prisonnier de notre corps. Nos troubles et maladies psychosomatiques correspondent souvent à des contenus psychiques refoulés et non résolus.

Cette mort étrange est caractérisée par le fait que la princesse est morte le jour et vivante la nuit, gisant dans son cercueil.

Cela n’est pas sans évoquer les vampires - d’où est issue la femme "vamp". 

Psychologiquement, un homme peut être inconscient le jour et envahi par son féminin la nuit, dans ses rêves. 

Les nuits destructrices de la princesse noire

Dès qu’elle eut fini de parler, elle s’écroula morte. Alors, le roi fit creuser une tombe dans l’église et y déposa le corps de sa fille, la princesse noire. Le soir venu, un homme monta la garde. Au matin, lorsque le sacristain alla sonner quatre heures, il vit le corps de l’homme déchiqueté. Il en fut longtemps ainsi: chaque nuit, un homme était condamné à perdre la vie de cette manière cruelle.

 

Corps désarticulé dans désert

 

La nuit, la princesse noire a un comportement très destructeur. Elle tue chaque nuit le militaire chargé de monter la garde dans l’église, jusqu’à ce qu’aucun ne veuille plus la garder.

Sur le plan collectif, dans des régimes dictatoriaux comme le nazisme ou le communisme, c'est le féminin collectif négatif qui possède les hommes émotionnellement et en fait des meurtriers. Il exacerbe en eux ce qu’il y a de plus bas, de plus cruel et de plus mortifère dans la nature humaine. 

Rudolf, le soldat chargé de garder la princesse noire

Les gardes et militaires devinrent réticents et refusèrent de garder la princesse noire. À tel point que le roi craignit une révolte. Il écrivit à son beau-frère, qui était également roi, et lui demanda de lui prêter un régiment de soldats. Son beau-frère obtempéra et lui envoya le régiment. 

Trois frères seraient dans ce régiment, l’un en tant que commandant, le second en tant que capitaine et le troisième en tant que simple soldat. Ce dernier s’appelait Rudolf. Il était plus souvent en prison qu’en service, et ses frères se seraient volontiers débarrassés de lui. Ils auraient bien aimé le voir pendu ou fusillé, mais il n’avait jamais rien fait de mal qui leur aurait donné une occasion de lui ôter la vie. 

"Frère capitaine, dit le commandant, voici une occasion de nous débarrasser de Rudolf; qu’il soit le premier à monter la garde dans l’église." Lorsque Rudolf reçut l’ordre de monter la garde, il se mit terriblement en colère contre ses frères, parce qu’il était le premier désigné. Ils auraient pu s’arranger pour qu’il soit le dernier ou pour l’en exempter.

 

Chevalier combattant

 

La princesse noire continue de tuer tous ses gardes jusqu'à ce que survienne un simple soldat appelé Rudolf.

Comme souvent dans les contes, le héros est le plus simple, le plus naïf, le plus niais.

Rudolf ne déroge pas à la règle, et c’est précisément parce qu’il est naïf qu’il ne craint pas l’ombre et fait preuve de bon sens et de réactivité positive. Ce qui lui permet d’affronter des situations imprévues, comme celles surgies de l’inconscient.

La première nuit de Rudolf dans l'église

Rien n’y fit. Il devait y aller. Auparavant, il se rendit chez le prêtre de l’église et lui demanda un livre de prières et une craie bénite. Lorsqu’il fut conduit à la garde, il s’agenouilla devant le maître-autel et prononça les prières de son livre de prières jusqu’à 11H moins le quart. 

 

Mains priant avec croix

 

Lorsque 11H moins le quart sonna, il ne savait pas où se dissimuler. "Si je m’endors sous les chaises, se dit-il, on me retrouvera plus, si je monte derrière les saintes statues, on me retrouvera pas non plus. Je vais monter sur la chaire." En montant sur la chaire, il traça sur chaque marche une croix avec la craie, puis arrivé en haut, il se baissa pour se cacher.

 

Chaire Eglise Athanase

Rudolf échappe à la princesse noire

La première nuit, Rudolf échappe à la princesse en grimpant dans la chaire et dessinant des croix sur les marches, pour l’empêcher de le suivre. 

Cette première attitude pour se protéger est intelligente et subtile. Il monte sur la chaire, là où se tient le prêtre.

Dans le christianisme, le prêtre est le guide, celui qui possède la connaissance. Il a renoncé à l'expérience du féminin et n’a donc pas de relation avec une femme réelle. Par cette renonciation volontaire, il reste maître de la situation.

Le soldat Rudolf endosse donc l'identité du prêtre. Il semble connaître l’inconscient car il ne se laisse pas submerger par lui. Du haut de la chaire, il tente de dominer la situation.

En allemand, on dit à propos des intellectuels qu'ils "dansent de haut en bas dans leur cerveau". Ils ne descendent pas car ils ont peur que le féminin négatif ne les attrape.

Dans ce conte, la chaire symbolise l'attitude intellectuelle de l'homme. Dans certaines situations, se réfugier dans l’intellect est la seule possibilité. On ne peut que remettre la résolution du problème à plus tard. 

C’est une manière fréquente pour un homme de gérer les manifestations de son "féminin": ne pas se laisser posséder par lui et être actif, mais en se protégeant et en fuyant.

Le réveil de la princesse noire

Lorsque 11H sonnèrent, la princesse, enveloppée de flammes, sortit du tombeau et appela: "Rudolf !". Comme il ne répondait pas, elle se mit à projeter toutes les chaises les unes sur les autres et fit tomber toutes les statues des saints. À la fin, elle l’aperçut en haut dans la chaire, mais elle ne put monter à cause des croix tracées sur les marches.

Alors, elle se construisit un escalier avec les chaises: elle était presque arrivée en haut et allait saisir Rudolf lorsque minuit sonna. Alors, elle redevint noire et gisante, et les chaises et les saints retrouvèrent leur place.

 

Chaises empilées

 

La princesse noire est très en colère et empile des chaises pour atteindre Rudolf. Heureusement, minuit sonne et elle s'apaise.

Même si, en tant que contenu de l’inconscient, elle est hors du temps, elle est malgré cela soumise à ce rythme régulier du temps réel. Et à minuit, elle perd son pouvoir destructeur.

Minuit marque le milieu de la nuit, le moment où la nuit s'inverse et va vers le jour. Le moment où la conscience recommence à émerger de l'inconscient. 

Le temps est un élément fondamental dans ce type de problème avec le féminin.

Sur le plan psychologique, l’homme doit maîtriser son impatience et son activisme, qui sont souvent dûs aux manifestations de son féminin intérieur. En certaines circonstances difficiles, il doit accepter les limites de l’espace-temps. S’il parvient à être patient et à utiliser le temps comme un allié, cela peut l'aider à trouver la solution du problème.

S’il ne panique pas et ne cède pas à ses émotions et son excitation, l’inconscient peut se lasser de le tourmenter.

Et le féminin commence alors à se transformer en lui et à doucement céder. 

 

Belle endormie

Le désir de Rudolf de fuir sa responsabilité

Rudolf quitta la chaire et tira la princesse noire dans son tombeau. Puis il prononça une prière de remerciement. Lorsque le sacristain vint sonner 4 heures, il vit le garde en prières. Il rapporta cela au prêtre qui loua Rudolf pour son courage et lui demanda de monter à nouveau la garde ce soir-là. Quant au reste de la journée, il serait dispensé de service. 

Mais Rudolf répondit qu’il préférait servir toute la journée que devoir à nouveau monter la garde. Alors le prêtre écrivit une lettre au roi pour lui signaler que le garde était sain et sauf. Et le roi ordonna que ce fût le même homme qui montât la garde encore une fois. 

 

Même si son attitude appropriée protège Rudolf, elle n'est qu’une solution provisoire et ne règle pas définitivement le problème.

Donc, après cette nuit terrible, Rudolf désire fuir. Mais le roi lui ordonne de retourner à son poste de garde.

 

Rudolf se dit alors: "Jamais de la vie, je préfère déserter et m’installer dans une auberge à ciel ouvert." Au moment où il sortit de la ville, il se croyait déjà en sûreté lorsqu’un vieux joueur de cithare au bord de la route lui dit: "Rudolf, NE déserte pas, ce sera tout bonheur pour toi. – Vas-y, toi qui en sais tant!" Le joueur de cithare répondit: "Je suis pas un soldat."

 

Ombre de musicien dans forêt nocturne

 

Ils se querellèrent un moment. Le joueur de cithare ne cessa d’exhorter Rudolf à retourner monter la garde, lui répétant qu’il ne devait en aucun cas retourner dans la chaire: "Tu montes te cacher derrière la Sainte Vierge; la princesse noire, elle te trouvera pas si vite là! Quand elle te dénichera, ce sera trop tard!"

Le vieil homme sage

Le personnage qui intervient pour convaincre Rudolf de ne pas fuir est un vieil homme, un joueur de cithare.

Il représente une figure d’ombre positive pour Rudolf: un guide, un initiateur, un vieux sage. 

C’est le divin en lui qui lui révèle comment agir avec justesse. 

Il doit grimper derrière la statue de la Vierge Marie, le lieu obscur qui est derrière elle, à l’arrière-plan, ce domaine sombre qui n’a pas été intégré par le christianisme. 

C’est là que Rudolf peut s’approcher du féminin obscur, voire lui dérober sa place.

Psychologiquement, un homme "tourmenté" par son féminin peut en devenir conscient en s'approchant d'elle, tout en lui résistant.

C'est une attitude très périlleuse. Il doit vivre la relation avec une femme sans se laisser dominer et posséder par elle. De nombreux hommes n'en sont pas capables car ils ont intériorisé une femme dominatrice et continuent de vivre des relations où ils se laissent dominer. 

Certains éludent le problème en se réfugiant dans leurs activités intellectuelles et professionnelles. Mais ils affrontent rarement le problème. Et s’ils le font, c’est avec agressivité, en cédant à l'impulsion du "rentre dedans". Or, c’est en se comportant de la sorte qu’ils tombent dedans! 

Au contraire, l’attitude juste consiste à entrer sans "tomber dedans", ce qui va à l’encontre de la nature masculine.

C’est une attitude totalement paradoxale: aller vers quelqu'un tout en restant détaché et libre par rapport à lui. Une attitude d'une grande sagesse. Or, les hommes veulent toujours qu'une chose soit ceci ou cela. Ils détestent les paradoxes, ne les comprennent pas, et ne les maîtrisent pas. 

Rudolf, lui, y parvient. Il se domine et assume la situation, ce qui est le signe d’une grande maturité chez un homme. 

Le féminin de l’homme est un symbole de la Vie qui le contraint à s'engager dans la vie. Même si cela est difficile pour un homme, il doit s’engager dans la vie réelle, la vie amoureuse, affective, avec sa dimension obscure. 

Rudolf va réussir une deuxième fois à échapper à la princesse noire.  

La deuxième nuit de Rudolf dans l'église

Lorsque Rudolf fut revenu dans l‘église, il se mit à nouveau en prières devant le maître-autel jusqu’à 11H moins le quart. Puis, il monta se cacher derrière la Vierge.

 

Vierge Marie-Peinture

 

Dès 11H, la princesse arriva sous sa forme ardente, encore plus effrayante que la première nuit. Comme elle ne trouvait pas Rudolf, elle lança de nouveau les chaises les unes sur les autres et abattit les saints. Elle tenta de l’appâter avec des mots doux puis avec des mots méchants, mais Rudolf ne se montra pas. 

À la fin, elle le découvrit quand même et se fit immédiatement un escalier avec les chaises, mais dès qu’elle eut posé la dernière, minuit sonna. De nouveau, les chaises retrouvèrent leur place habituelle et les saints retournèrent dans leurs niches. La princesse noire gisait à nouveau morte sur le sol. Rudolf fit comme la fois précédente. Le prêtre lui demanda une fois de plus de monter la garde la nuit suivante et lui donna quatorze ducats. Mais Rudolf ne voulait plus rien entendre. Lorsque le roi fut informé par le prêtre de ce qui était arrivé, il ordonna que Rudolf, pour la troisième fois, monte la garde dans l’église, et qu’il serait exempté de service toute la journée. 

Rudolf voulut encore déserter et cette fois, il ne partit plus par la route mais à travers champs et prés, de peur de rencontrer le joueur de cithare. Cependant, alors qu’il atteignait la forêt, voilà que le joueur de cithare se tenait là. Il lui répéta: "Rudolf, déserte pas! Ce sera tout bonheur pour toi. – Vas-y, toi, ça ne te ferait pas de mal, un peu de chance, t’es encore un bien plus pauvre diable que moi!"

Le joueur de cithare répondit: "Je t’ai déjà dit que je suis pas un soldat" et il lui parla si longuement qu’il finit par le convaincre: "Cette fois-ci, tu ne te caches surtout pas derrière la Vierge Marie! Va droit dans le tombeau et garde tes yeux fermés. Parce qu’elle sera encore plus horrible à voir et fera encore plus de remue-ménage! Mais toi, surtout, tiens-toi tranquille et n’ouvre pas les yeux, sinon t’es mort. Quand on sera vers les 11 heures, il faut que tu entres dans le tombeau; tu t’allonges là, tu mets ton havresac sous sa tête, l’arme à ta droite et les mains croisées sur la poitrine comme un soldat qui est couché dans un cercueil. Elle va essayer de t’embobiner avec ses mots doux et ses mots de brute, mais t’as qu’à garder les yeux bien fermés, jusqu’à ce qu’elle t’attrape par la droite et qu’elle dise "Rudolf, lève-toi!"  Va à présent."

La troisième nuit de Rudolf dans l'église

Rudolf retourna donc monter la garde. Il pria jusqu’à 11H moins le quart. Lorsque 11H moins le quart se mirent à sonner, il s’installa dans le tombeau et, dès les premiers coups de 11H, il entendit des craquements. Il s’allongea dans le tombeau, le havresac sous la tête, l’arme au côté droit et les mains croisées sur la poitrine, comme un soldat dans un cercueil.

 

Homme dans tombe avec bras émergeant

 

Alors la princesse remua ciel et terre, comme si elle allait mettre l’église en miettes. Elle appelait Rudolf, tantôt avec des paroles caressantes, tantôt avec des paroles dures, et ne le trouvait pas. Plus on approchait de minuit, plus elle devenait furieuse. Elle vint vers le tombeau et dit: "Rudolf, lève-toi ou je te fais sortir en mettant le feu!" Mais il n’ouvrit pas les yeux et ne fit pas un geste.

 

La troisième nuit, Rudolf se couche dans le cercueil de la princesse noire et ne réagit pas.

Entrer dans un cercueil, imiter un cadavre signifie se laisser initier, refuser et rejeter le corps, l’aspect physique. 

Rudolf vit une expérience initiatique de la mort. Il doit mourir symboliquement, mourir à lui-même, pour renaître. 

Il doit s'abandonner totalement pour que le féminin se transforme. Alors il pourra l’intégrer.

Cette intégration du féminin ne peut se réaliser que si le MOI se fait tout petit, fait le mort… 

Transformation de la princesse noire

Minuit sonna. Alors, elle lui saisit la main droite et dit: "Rudolf, lève-toi!" Et lorsque Rudolf ouvrit les yeux, c’est une belle et blanche jeune femme qui se tenait au bord du tombeau. Rudolf se leva, prit son manteau et en enveloppa la jeune femme pour qu’elle ne restât pas nue devant lui. Ensuite, il alla prier pour être désormais exempté de garde, et la jeune femme pria également pour remercier d’être délivrée du diable.

 

Femme-fée-Peinture

 

La princesse noire devient furieuse, mais Rudolf ne cède pas à ses émotions. 

Et à minuit, elle se transforme en une belle princesse qu'il emmène avec lui.

Elle est libérée du diable et en remercie Dieu.

Libération définitive de la princesse noire

Lorsque le sacristain vint sonner quatre heures, il les vit tous deux agenouillés devant l’autel. Il alla en toute hâte informer le prêtre qu’une jolie jeune femme était agenouillée auprès du garde et priait. Le prêtre écrivit aussitôt au roi, et celui-ci ordonna que Rudolf devînt roi, lui accorda la main de sa fille et fit faire pour elle des vêtements somptueux. Dans la semaine qui suivit, ils se marièrent, et c’est ainsi que Rudolf devint roi.

 

Rudolf peut alors épouser la princesse.

Pour lui, l’intégration de son féminin est achevée. Il a apprivoisé "la mégère". Et la princesse noire est définitivement libérée du mal.

Il est couronné roi.

Son initiation et son évolution sont accomplies. L’union avec la femme réelle peut avoir lieu.

 

Couple chevalier-femme en rouge

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