Le féminin divin: Les déesses-mères - "Ishtar" - L'amoureuse guerrière
- Par kleiberpat
- Le 29/05/2020
- Dans Que nous révèlent les contes et mythes?
ÉLÉMENTS D’ANALYSE DU MYTHE D’"ISHTAR" (mythologie mésopotamienne)
À l’aube de l’humanité, a surgi une GRANDE ET MYSTÉRIEUSE DÉESSE-MÈRE dont les multiples avatars partagent les mêmes attributs: féconde, transformatrice, initiatrice, magicienne, ambivalente, sage, elle connaît le monde visible et invisible, règne sur la nature et ses cycles, et la fertilité de la terre, des animaux et des hommes.
Elle incarne la totalité de la vie: vie, mort et renaissance. Elle règne aussi dans le monde souterrain.
Ambivalente, elle peut donner la vie ou la mort. Elle est souvent accompagnée du serpent - son aspect terrestre - et de l’oiseau - son aspect céleste.
Son culte se perd dans la nuit des temps. On ne sait pas quand il a commencé, si ce n'est qu'il remonte à la préhistoire.
La GRANDE DÉESSE a dominé pendant des millénaires sous la forme de nombreuses divinités. Les êtres humains ont projeté sur elles leur vision de la nature et leur conception de la vie, particulièrement sur la figure de la mère.
Ces déesses-mères sont nées dans des sociétés où la conception de la femme et du féminin était radicalement différente de celle de nos sociétés patriarcales. De nombreux chercheurs sont actuellement en accord sur un point: la divinisation du féminin-maternel dans les sociétés anciennes est dûe en partie à l’ignorance des hommes concernant leur rôle dans la procréation. Pour eux, la femme donnait la vie, ce qui lui conférait une dimension sacrée et leur inspirait respect et vénération.
La DÉESSE-MÈRE DES ORIGINES est donc un puissant ARCHÉTYPE né dans l’inconscient collectif. Elle est le principe et l’essence du féminin et de la psychologie féminine.
ET, EN TANT QU'ARCHÉTYPE, ELLE VIT EN CHAQUE FEMME (que celle-ci en soit consciente ou non).
Naissance et vie d'Ishtar
Ishtar naît à l’époque où la Grande Déesse des origines cesse d’être solaire et est reléguée dans l’ombre, où ne luit que la lune.
Elle est la plus grande déesse du Proche-Orient et de la Mésopotamie, appelée "Inanna" en sumérien et identifiée à la planète Vénus ou à Astarté. Son père est Sîn, dieu de la lune, son frère Samash, dieu du soleil et de la divination, et sa sœur Ereshkigal, déesse des enfers. Elle est une grande amie d’Anu, dieu du ciel, soit en tant qu’épouse, soit en tant que fille. Elle remplace peu à peu son père lunaire Sîn.
Également déesse de la guerre, elle réside en souveraine absolue à Uruk en Babylonie, dans la "maison du ciel", et aide les guerriers intrépides. On la voit souvent avec une massue et une harpe à la hanche, couronnée d’une étoile à 8 rayons.
En elle se rejoignent l’amour et la guerre. Le célèbre roi d’Uruk, Gilgamesh, ayant refusé ses faveurs, subit sa cruelle vengeance sour la forme d'un taureau destructeur.
En elle également, la compassion et la malveillance. Un jour, elle envoie à l’humanité un grand déluge. Ses talents de magicienne lui font prophétiser et provoquer le déluge. Mais, au dernier moment, elle sauve les humains, prise de compassion pour eux, et envoie une colombe pour évaluer la baisse des eaux.
Elle a la faculté d’inverser les opposés: "Ce qui est noir, je le fais blanc, et je fais blanc ce qui est noir." Son culte se caractérise par le déguisement, le travestissement et l’échange des sexes. Uruk (au sud de Bagdad) est la ville des prostituées sacrées et des transsexuels.
Ses relations amoureuses sont multiples et légendaires, car elle est une "jeune fille célibataire" ou "vierge". En tant que déesse de l’amour, le mariage lui est étranger.
Hélas, les hommes qu’elle aime ont une destinée tragique, particulièrement son amant favori, le berger Tammuz, assimilé à la végétation de la terre, et appelé "Urikittu" ("Le vert").
Devenu adulte, il devient l’amant d’Ishtar. Un jour, sous le prétexte d’assister aux funérailles de l’époux de sa sœur Ereshkigal, Ishtar descend aux enfers pour lui ravir ses pouvoirs. Mais Ereshkigal la dépouille de ses richesses jusqu’à ce qu’elle se retrouve toute nue, à sa merci. Elle la contraint à ôter tous ses bijoux et ses parures en passant les 7 portes de la ville souterraine, et la retient dans le monde des enfers.
En l’absence d’Ishtar, tout dépérit sur terre: les humains, les animaux, les végétaux ne se reproduisent plus. Partout, l’amour est en exil, car l’amour vient de la déesse et l’attraction entre le féminin et le masculin ne peut se manifester en son absence.
Ishtar doit également remonter sur terre pour y rétablir la fertilité et la fécondité. Une de ses servantes réussit à convaincre les dieux d’intervenir auprès de sa sœur. Celle-ci accepte à condition que quelqu’un remplace Ishtar en enfer. Il s'agit de son amant Tammuz. Par chance, la sœur de Tammuz propose de prendre sa place la moitié de l’année. Tammuz devient donc à demi-immortel et peut vivre sur terre la moitié de l’année.
C’est ainsi qu’Ishtar cause la mort de Tammuz chaque an au solstice d’été. Il meurt et descend en enfer. Le monde entier pleure sa disparition. Ishtar entame alors sa périlleuse descente aux enfers pour le rechercher. À chaque fois, elle doit passer les 7 portes où elle est dépouillée de ses parures. Puis, elle remonte avec Tammuz sur terre où tout renaît.
Origine d'Ishtar
On l’adorait déjà 3000 ans avant J.C. Et son culte s’est diffusé dans toutes les civilisations du Proche-Orient.
Sa forte personnalité a supplanté toutes les autres déesses. Son nom lui-même veut dire "déesse".
Elle régit la vie et la mort. C’est une force de la nature qui est mère de toutes choses, comme l’Artémis d’Ephèse aux seins multiples.
En tant que déesse de la fertilité, elle prodigue le pouvoir de reproduction à tous les êtres vivants.
En tant que déesse de l’amour, elle est la patronne des prostituées et protège les femmes qui enfantent.
Du dieu lunaire à la déesse lunaire
Ishtar apparaît au moment précis où le dieu de la lune s’approprie les qualités du soleil, et est remplacé par la déesse. Avec l’évolution des sociétés patriarcales, la déesse devient exclusivement lunaire et le dieu solaire.
De solaire, la femme devient également lunaire.
La lune est demeurée féminine jusqu’à nos jours. Tous les aspects féminins - la spiritualité, la fécondité, la créativité, la plénitude, l’instinct, le cycle de la vie - sont nés de la lune qui croît et décroît, vit et meurt, se vide et se remplit, se transforme en permanence.
Car le cycle de la femme est semblable à celui de la lune.
Dans les sociétés anciennes, la lune est obscure et négative pour les hommes. Mais pour les femmes, elle est bénéfique et positive en tant que "première femme" et "principe de leur être".
Cela explique pourquoi l’homme rejette la responsabilité de ses malheurs sur le féminin - comme dans la Genèse. En général, l’homme est inconscient de son féminin intérieur et ne comprend pas que celui-ci est responsable de ses malheurs et ses troubles. Donc, il projette les manifestations de son féminin intérieur sur des femmes extérieures.
Depuis toujours, l’homme a peur du féminin en lui et le refoule: il croit, à tort, que le féminin va lui dérober sa virilité, le rendre efféminé et impuissant.
Il ignore que c’est le contraire qui se produit: plus un homme reconnaît et intègre son féminin, plus sa virilité en est renforcée.
Quant à la femme, si elle demeure en harmonie avec le principe féminin lunaire et cyclique, cela l’enrichit considérablement. La déesse lunaire éveille en elle sa force et sa créativité.
L'immense problème pour la femme actuelle est de reprendre contact avec cet archétype en elle, tout en maîtrisant ses aspects instinctifs négatifs.
Ishtar est très intéressante à cet égard. Lors du déluge qu’elle envoie aux humains, elle parvient à maîtriser son instinct primitif destructeur et à inverser le grand malheur dont elle est responsable.
La virginité
La déesse-mère lunaire est caractérisée par la virginité.
La virginité a un sens particulier dans la société antique. Être "vierge" signifie être "célibataire" ou "libre" et "indépendante". La "vierge" n’est pas mariée. Elle n’est pas la propriété d’un homme, comme dans la société patriarcale où la fille passe de la domination de son père à celle de son mari.
Ishtar, appelée la "courtisane", dit: "je suis celle qui n’a pas d’époux et n’en veut pas". Elle relève d'un système de pensée matriarcal. Donc, aucun dieu masculin n’a de pouvoir sur elle. Elle peut avoir un fils sans cesser d’être vierge et ce "fils-amant" va devenir l’objet d’un culte.
Dans ce contexte, la "virginité" n’a donc pas de connotation sexuelle et morale, comme dans notre société. Il n’y a pas d’incompatibilité entre la virginité et l’érotisme et les relations amoureuses.
La virginité a un sens psychologique et spirituel. Elle est une qualité, un état intérieur, et non un état réel et concret. La femme libre et indépendante reste vierge malgré les amours et les grossesses. Les enfants nés hors mariage sont appelés des "enfants nés d’une vierge". Et la déesse ou la femme peut avoir un fils sans cesser d’être "vierge".
Est "vierge" la femme qui fait l’expérience de la naissance de Dieu ou du divin en elle.
La prostitution sacrée
Née à Chypre, la "prostitution sacrée" est courante dans les sociétés antiques.
Le mot "prostituée" vient du latin "prostituere" qui signifie "mettre devant", "exposer en public".
En Asie mineure et en Grèce, des prêtresses ou prostituées sacrées étaient dédiées à la déesse et s'unissaient à des hommes de manière rituelle.
Pour ces prostituées sacrées, étaient importants l’acte d’amour et son essence, et non le partenaire.
L’union érotique était dédiée avant tout à la déesse et à l’amour. Ces prêtresses ou prostituées sacrées incarnaient la déesse.
Elles étaient "vierges", à savoir des femmes libres et indépendantes vouées au culte de la déesse, des femmes spirituelles ayant intégré le divin.
Ces prostituées sacrées recevaient une excellente éducation et avaient certains pouvoirs économiques, comme la gestion et la vente des biens de leurs familles. Elles étaient plus évoluées et plus libres que les autres femmes.
Par ailleurs, chaque femme devait se rendre au temple une fois dans sa vie, pour y avoir des rapports sexuels avec un inconnu. Il s’agissait d’un rituel d’initiation et d’un culte rendu à la déesse, qui la protégeait et la rendait féconde.
C’est ainsi que les rapports entre hommes et dieux étaient d'ineffables "mystères", d’où sont nés les "cultes à mystères".
À Babylone, les rois également accomplissaient le rite annuel du "mariage sacré" avec une "prostituée sacrée". En s’unissant à la déesse, ils renforçaient les fondements de la société et de la royauté.
Ce culte correspondait à la conception de la royauté. Le roi devait mourir pour renaître, comme toute chose, en vertu du temps cyclique. Toute la vie de ces sociétés agricoles était rythmée par la nature et ses phénomènes.
Et l’homme désirait participer à ce drame divin du cycle des saisons par des rites de fécondité.
Contrairement à nos sociétés modernes, la fertilité et l’attraction entre le féminin et le masculin ne venaient pas seulement de l’instinct. C’était des dons de la grande déesse-mère.
Une telle conception est fondamentalement différente de notre conception moderne de l’amour. Malgré le progrès et l’évolution de nos sociétés, la relation entre le féminin et le masculin n'en demeure pas moins une chose mystérieuse et sacrée. Il ne s'agit pas d'une pulsion, d'un instinct, d'un processus cérébral ou d'une attraction chimique.
La déesse est immuablement présente en tant qu’archétype. Les peuples de l’antiquité ne se sont pas trompés à ce sujet.
Pour eux, la déesse représente une force psychique qui se manifeste dans l’inconscient.
Même si l’inconscient ne peut être observé directement ni faire l’objet d’expériences scientifiques, il existe à travers ses manifestations. Et il possède cette force et cette puissance spirituelles, irrationnelles, magiques de la grande déesse.
Lorsque l’on parle des pouvoirs magiques de la grande déesse, cela signifie que l’inconscient travaille en grand secret, de manière irrationnelle et insondable.
Pour les peuples antiques, s’approcher de la déesse de manière juste consistait à établir un rapport juste avec l’inconscient.
Donc, la prostitution sacrée valorise la femme complète, libre, solaire et initiatrice. Le patriarcat et les religions patriarcales ont farouchement lutté contre ces cultes à la féminité. Et les conséquences ont été négatives, à la fois pour les femmes et pour les hommes.
Ishtar et "l'éternel féminin"
Ishtar règne à la fois sur la terre et le ciel, ainsi que les étoiles. On la voit sous la forme de "l’étoile du matin", avec une couronne surmontée d’une étoile à 8 rayons dans un cercle. Cette étoile est son véritable attribut céleste. À Sumer, déjà en 3500 ans avant J.C., le zodiaque est appelé "la ceinture d’Ishtar".
Elle porte un arc et se tient sur un lion qu’elle maîtrise parfaitement. D’ailleurs, on la surnomme "lionne". Une massue et une harpe sont suspendues à ses hanches.
Le lion représente son côté belliqueux. Elle est rebelle et ne se soumet pas à la hiérarchie.
L’arc et les flèches sont des symboles de sa combativité.
La massue représente la force brute qui domine par l’écrasement.
La harpe est également un de ses attributs. C’est l’un des plus anciens instruments de musique qui a la faculté d’équilibrer la tension entre les opposés, le spirituel et l’instinctif, en reliant la terre et le ciel.
La lune, le serpent et un œil l’entourent. La lune et le serpent sont en lien avec toutes les déesses.
Quant à l’œil, il est plus mystérieux. En général solaire, il est un symbole d’unité, contrairement aux deux yeux qui représentent la dualité de l’être.
Ishtar est androgyne, à la fois féminine et masculine.
Plutarque dit d’elle: "On appelle la lune la Mère de l’univers cosmique, elle possède une nature à la fois mâle et féminine".
Elle incarne donc la féminité dans tous ses aspects. Déesse de l’amour, grande amoureuse à l’éros puissant.
Cette grande éveilleuse de la sexualité et de l’attraction des sexes dit d’elle-même: "Je tourne le mâle vers la femelle, je suis celle qui pare le mâle pour la femelle, je suis celle qui pare la femelle pour le mâle."
Ishtar règne aussi sur les êtres humains, et leur enseigne la grande loi de la vie. À cette époque, en Mésopotamie, la loi et la magie sont associées.
Toutes les formes de magie sont définies par une législation rigoureuse, constituée d’interdits et de punitions. La divination fait partie de la vie quotidienne. L’astrologie et l’analyse des rêves sont monnaie courante et sont inspirées par la déesse.
Ishtar représente "l’éternel féminin".
Un lien particulier lie Ishtar et Gilgamesh, héros de "L’épopée de Gilgamesh" et roi d’Uruk. Celui-ci ayant refusé ses faveurs, elle se venge de lui sans pitié.
Le rejet de cette grande déesse par Gilgamesh paraît pour le moins étonnant. Dans les mythes et religions, aucun héros ne refuse les faveurs d’une déesse.
Mais nous sommes au Proche-Orient, à une période où le pouvoir des grandes déesses-mères commence à chanceler. Bientôt vont naître des mythes et des religions patriarcales, avec des dieux masculins, même si les déesses continuent d’être vénérées les premiers siècles du Christianisme.
Sur un plan psychologique, on peut évoquer ici la répulsion ou la peur universelle suscitée par la femme et le féminin. D’où le besoin de circonscrire, de maîtriser, de contrôler, de nier cette force inquiétante.
Il s’agit de la peur du pouvoir fécondant mystérieux de la femme, de l’ambivalence de la femme profondément reliée à la nature et ses mystères, à la vie et la mort.
L’attitude de Gilgamesh vis-à-vis d’Ishtar montre bien l’image à la fois positive et négative qu’ont les hommes de la femme, ainsi que leur désir de "régler le problème" une fois pour toutes par le rejet et la domination.
Face à ce rejet, Ishtar, furieuse, demande aux dieux d’envoyer à Gilgamesh un "taureau céleste". Mais Gilgamesh parvient à tuer le taureau et il en jette des morceaux sur Ishtar avec mépris, ce qui provoque la colère des dieux, la mort du frère de Gilgamesh - Enkidou - et un grand déluge envoyé par Ishtar.
Dans le récit du déluge, Ishtar allie en elle la compassion et la malveillance. Prise de compassion pour les humains, elle parvient à maîtriser son instinct primitif destructeur et à inverser les maux qu’elle provoque.
Tammuz, le "fils-amant" d'Ishtar
Malgré ses multiples amants, Ishtar accorde ses faveurs à celui que l’on appelle son "fils-amant": TAMMUZ.
Il figure l’aspect masculin d’Ishtar qui n’a ni époux ni dieu masculin qui la domine. Il la rend complète.
Tammuz viendrait d’Adonis, issu des peuples sémitiques. D’ailleurs, le véritable nom d’Adonis était Tammuz. On rendait aussi un culte à Adonis en tant qu’amant sacrifié de la déesse Aphrodite.
Tammuz ou Adonis était également "l’esprit du blé": le blé qui doit mourir pour renaître. Son retour était fêté en juin, et son culte fut assimilé ensuite à la Saint-Jean.
C’est pourquoi Tammuz meurt et renaît chaque année. Et son culte s’est étendu dans tout le Proche-Orient.
La descente d'Ishtar en enfer
Sous le prétexte d’assister aux funérailles de l’époux de sa sœur Ereshkigal, Ishtar descend aux enfers pour ravir à celle-ci ses pouvoirs.
Mais Ereshkigal la dépouille de ses richesses et la contraint à ôter tous ses bijoux et parures en passant les 7 portes de la ville souterraine.
Psychologiquement, la descente en enfer est la descente en soi. C’est le chemin initiatique qu’Ishtar doit parcourir pour devenir complète.
En l’absence d’Ishtar, la déesse de l’amour, tout dépérit sur terre, comme lors de l’exil de Déméter. Les humains, les animaux, les végétaux ne se reproduisent plus. L’amour lui-même est en exil, car il vient de la déesse, et l’attraction entre le féminin et le masculin ne peut se manifester.
Il est donc essentiel qu’Ishtar remonte sur terre pour y rétablir la fertilité et la fécondité. Une de ses servantes réussit à convaincre les dieux d’intervenir auprès d’Ereshkigal.
Celle-ci accepte à condition que quelqu’un remplace Ishtar en enfer.
Ce sera son amant favori, l’homme qu’elle aime par-dessus tout, le berger Tammuz.
Le culte de Tammuz
Par bienveillance, la sœur de Tammuz propose de prendre sa place la moitié de l’année. C’est ainsi que Tammuz devient à demi-immortel.
Il meurt chaque année au solstice d’été et descend en enfer. Et le monde pleure sa disparition.
Ishtar entame alors sa périlleuse descente aux enfers et force les portes du monde souterrain. Et chaque fois, elle doit repasser les 7 portes où elle est dépouillée, refaisant ce chemin initiatique en quête de son masculin perdu.
Puis, elle remonte avec Tammuz sur terre où tout renaît miraculeusement.
À chaque mort de Tammuz, Ishtar et les femmes expriment leur douleur et leur deuil au mois de juin, au cœur de l’été.
Le peuple entier pleure la disparition de Tammuz, au son des flûtes, des pleureurs et pleureuses, et tout le monde est éploré.
Ces chants et ces plaintes sont éternellement émouvants.
La relation entre la déesse-mère et son "fils-amant"
Ishtar est certes une "déesse-mère", mais elle est davantage.
Elle est une déesse féminine totale qui a intégré sa polarité masculine sous la forme de Tammuz.
Etant célibataire et sans époux, son fils n’est pas un fils biologique mais symbolique, parce qu’il n’y a pas de père.
La déesse-mère et le fils-amant représentent non seulement un schéma relationnel entre le masculin et le féminin, mais aussi le cycle total de la vie et de la nature.
Le fils-amant de la déesse-mère figure la nature qui meurt et renaît dans un cycle perpétuel.
Le destin du dieu fils-amant correspond au destin des hommes. Il intègre la loi de la vie et de la mort, le salut et la renaissance.
Une telle religion était très rassurante et réconfortante pour l’âme. Car la mort était toujours suivie d’une renaissance.
Le "culte à mystères" et la femme
Le culte d’Ishtar se caractérise par le déguisement, le travestissement et l’échange des sexes. Sa cité d’Uruk est la ville des prostituées sacrées et des transsexuels.
Il s’agit d’un culte à mystères, c’est-à-dire une religion personnelle, initiatique, où l’on fait une expérience intérieure et mystique du divin.
C’est pourquoi le christianisme s’est longtemps opposé à toute expérience divine intérieure et mystique. Pour lui, c’était une expérience irrationnelle et féminine. Et il a tenté de l’éradiquer en luttant contre tous les courants mystiques, gnostiques, ésotériques…
Si, au contraire, il avait intégré cette conception spirituelle, les humains auraient sans doute évolué différemment, ainsi que les sociétés. Le féminin aurait peut-être été davantage pris en compte et intégré.
La Grande Déesse représente donc une réalité psychologique essentielle pour la femme et pour l’humanité. D’où l’importance de la reconnaître, de la retrouver en soi, pour réintégrer le principe féminin dans la vie.
Cela vaut autant pour la femme que pour l’homme qui a besoin de retrouver son "éternel féminin".
La répression de la déesse équivaut à la répression du féminin. C’est la plus grande blessure faite à la femme, à la nature féminine, à la vie et à la nature.
Repousser l’ÉTERNEL FÉMININ, c’est repousser l’essence du féminin.
Renouer le lien avec la Déesse
Dans le monde actuel, la femme a deux alternatives.
Soit elle s’identifie au héros masculin ou à son masculin intérieur, soit elle s’identifie à la "superwoman" ou la "big mother" toute-puissante.
Pour se libérer de ces 2 schémas réducteurs, il est possible d’explorer sa psyché inconsciente pour y découvrir l’archétype de la déesse et se relier à lui.
C’est là une manière souveraine de lutter contre l’asservissement et la destruction de l’âme et de la nature féminines, de rétablir une relation juste et équilibrée entre le féminin et le masculin, ainsi que de sauver l’humanité de cette déchirure, de cette dissociation qui l’affecte depuis des temps immémoriaux.
Si la déesse ne renaît pas dans la psyché féminine, l’âme féminine ne peut se régénérer, se renouveler, ni contribuer à la transformation et à l’évolution de la conscience.
La femme a donc un rôle primordial à jouer dans ce processus de renaissance et de réincarnation du féminin - cette moitié perdue de l’humanité.
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